Un journaliste tué, deux pris en otage : RSF s’alarme de cette nouvelle tragédie au Nord-Mali
Reporters sans frontières (RSF) condamne le meurtre du journaliste de la radio communautaire Naata Abdoul Aziz Djibrilla et l’enlèvement du directeur et de l’animateur de Radio Coton FM – Saleck Ag Jiddou et Moustapha Koné. Les journalistes locaux, au Nord-Mali, sont aujourd’hui en première ligne d’un contexte sécuritaire gravement dégradé. Leur protection est un enjeu majeur.
Un journaliste tué et deux reporters enlevés. Le bilan de l’attaque, mardi 7 novembre, d’un véhicule de professionnels des médias devant rallier Ansongo à Gao, au nord du Mali, est macabre. À la vue d’hommes armés sur leur route, les journalistes, qui se rendaient à un atelier de formation, ont tenté de faire demi-tour. Leur véhicule a été mitraillé et le journaliste de la radio communautaire Naata, Abdoul Aziz Djibrilla, a été tué sur le coup. Le directeur et l’animateur de Radio Coton Ansongo – Saleck Ag Jiddou, dit Zeidane, et Moustapha Koné – ont été aussitôt enlevés par des membres de bandes armées et sont à ce jour portés disparus. Les ravisseurs ont réclamé 3 millions de francs CFA (environ 4 500 euros) par journaliste détenu à leurs familles, selon l’Union des radiodiffusions et télévisions libres du Mali (URTEL).
Seul le journaliste de la radio communautaire Alafia basée à Ansongo, Harouna Attino, est rescapé de ce drame. Blessé, il est aujourd’hui en sécurité, selon les informations recueillies par RSF.
Les derniers événements sont extrêmement alarmants au Mali. Des hommes armés ont tué le journaliste Abdoul Aziz Djibrilla et pris en otage deux de ses confrères. Ceux-ci sont toujours aux mains de leurs ravisseurs plus d’une semaine après l’attaque de leur véhicule. RSF demande aux autorités maliennes de tout mettre en œuvre pour retrouver ces deux journalistes et arrêter les responsables du meurtre d’Abdoul Aziz Djibrilla. Les journalistes locaux sont aujourd’hui les derniers remparts à la désertion totale du droit à l’information dans cette partie nord du Sahel, en proie à la terreur de différentes bandes armées et aux ripostes des armées régulières. La protection des journalistes est un enjeu majeur et ceux exerçant dans cette zone doivent impérativement en bénéficier.
Pour exprimer leur colère face au meurtre d’un de leurs confrères et à l’enlèvement de deux autres, les journalistes de la région ont décrété une journée sans radio le lendemain de l’attaque, le 8 novembre, à Gao, Ansongo et Ménaka. Le président de la Maison de la presse du Mali, Bandiougou Danté, a appelé les autorités à agir “pour que les auteurs, co-auteurs, complices et commanditaires répondent de leurs actes et soient traduits en justice”. Abdoulaye Maïga, porte-parole du gouvernement de transition du Mali, n’a pas répondu aux sollicitations de RSF.
Quatre journalistes portés disparus depuis 2020
Ce meurtre et ces enlèvements se sont déroulés dans un contexte sécuritaire très dégradé pour les journalistes au nord du Mali, exacerbé par l'offensive militaire à Kidal, à l’extrême nord du pays, à 350 kilomètres de la ville de Gao. Elle est contrôlée depuis plus de dix ans par des groupes armés. L’armée malienne a annoncé avoir repris le contrôle de la ville le 14 novembre.
L’enlèvement de Saleck Ag Jiddou et de Moustapha Koné porte à quatre le nombre de journalistes portés disparus au Mali depuis 2020. Les journalistes Hamadoun Nialibouly et Moussa M’Bana Dicko ont été enlevés respectivement le 27 septembre 2020, à Somadougou, dans la région de Mopti au centre du pays et le 18 avril 2021 dans la localité de Boni, dans le centre-est.
Cette attaque intervient quelques jours après la commémoration des dix ans de la mort des journalistes envoyés spéciaux de RFI Ghislaine Dupont et Claude Verlon, kidnappés puis assassinés le 2 novembre 2013 à Kidal. Depuis 10 ans, les journalistes font face à des risques sécuritaires grandissants dans cette zone du Mali, et dans la bande sahélienne en général. Début avril 2023, RSF publiait le rapport Dans la peau d’un journaliste au Sahel, révélant la grave détérioration des conditions d’exercice du journalisme dans cette partie du monde, et comment celle-ci est en train de devenir une “zone de non-information”. Ce rapport était sorti deux semaines après la libération du journaliste Olivier Dubois, enlevé le 8 avril 2021 à Gao et détenu pendant 711 jours par un groupe armé affilié à Al-Qaïda.