Cinq reporters tués et des locaux de médias détruits à Gaza

Cinq journalistes palestiniens figurent parmi les centaines de civils tués lors de l’attaque du Hamas contre les civils israéliens et de la réplique de l’armée israélienne. Reporters sans frontières (RSF) dénonce ces crimes et appelle toutes les parties à assurer la protection des journalistes conformément à la résolution 2222 du Conseil de sécurité des Nations-unies.

Trois journalistes palestiniens ont été tués dans la bande de Gaza ce mardi 10 octobre. Quelques jours plus tôt, aux premières heures du samedi 7 octobre, deux photojournalistes palestiniens ont subi le même sort. Ils couvraient tous la réplique militaire israélienne à l’offensive les brigades al-Qassam, bras armé du Hamas dans la bande de Gaza. Le conflit, d'une ampleur sans précédent, a fait, en quelques jours, des centaines de morts parmi les civils. 

Le photojournaliste de l’agence de presse palestinienne Khabar Mohammed Soboh, le rédacteur en chef de la chaîne d’information palestinienne indépendante Al Khamissa Saïd al-Tawil, et le photojournaliste de ce même média Hisham al-Nawajha s’étaient installés à proximité de la tour Hajji à l’ouest de Gaza, pour couvrir une frappe sur l’immeuble hébergeant plusieurs médias. Dans la dernière vidéo enregistrée par Saïd al-Tawil, il annonce que “la tour Hajji vient d’être menacée d’une frappe” par les forces armées israéliennes “et que les femmes, les hommes, et les enfants ont évacué la zone.” Les journalistes se sont repliés à quelques centaines de mètres à proximité de la tour Babel. Ils ont été tués par la force des frappes qui ont également ciblé cet immeuble, malgré leur équipement de protection gilets par balles et casques. 

Trois jours auparavant, le 7 octobre, le photojournaliste indépendant, Mohammad al-Salihi, correspondant pour l’agence de presse palestinienne al-Sulta al-Rabia, couvrait le début de la réplique israélienne à l’attaque des brigades al-Qassam dans le quartier du Bureij, à la frontière est de la bande de Gaza, selon les informations recueillies par RSF, lorsqu’il a été touché par plusieurs balles à la tête. Une vidéo publiée samedi sur le réseau social X (anciennement Twitter) montre le reporter de 29 ans inconscient, le cou ensanglanté. Son décès a été confirmé quelques heures plus tard par le ministère palestinien de la Santé. Selon plusieurs sources, il était clairement identifiable comme journaliste. 

C'est ce même affrontement que couvrait Ibrahim Lafi. Portant son gilet de presse et tenant son appareil photo à la main, le photojournaliste palestinien de la société de production Ain Media a lui aussi été tué par balles ce matin là. À l’instar de ses collègues palestiniens, des journalistes francais de l’hebdomadaire Politis, avec lesquels il avait collaboré pour un reportage en janvier 2023, ont aussi rendu hommage au journaliste palestinien de 21 ans. Étudiant en dernière année de journalisme, il était, selon l’un de ses confrères, parmi les premiers professionnels de l’information à se rendre sur le terrain pour faire la lumière sur les événements qui se déroulent à Gaza. 

Dans une déclaration du 9 octobre, le Syndicat des journalistes palestiniens a tenu les forces israéliennes responsables du décès des deux reporters, en dénonçant des “crimes commis par l’occupation israélienne”. De leur côté les autorités israéliennes répètent, dans leur communication officielle, qu’elles ne ciblent pas les civils.

“Parmi les civils victimes du conflit armé entre Israël et les territoires palestiniens, nous dénombrons des journalistes tués dans le cadre de leur travail. Les cinq journalistes dont nous déplorons la mort ces derniers jours étaient tous palestiniens. Au cours des dix dernières années, 17 professionnels des médias palestiniens ont subi le même sort en Cisjordanie et à Gaza, ce qui porte le chiffre total à 22 tués, faisant de la Palestine l’un des pays les plus dangereux au monde pour les journalistes. Dans le contexte actuel, où des centaines de civils ont d’ores et déjà été tués lors des massacres commis par le Hamas et les bombardements israéliens, RSF dénonce ces crimes et appelle toutes les parties à assurer la protection des journalistes conformément à la résolution 2222 du Conseil de sécurité des Nations-unies.

Anne Bocandé
Directrice éditoriale de RSF

Deux reporters disparus et un blessé 

Deux autres photojournalistes sont à cette date, selon les informations de RSF, portés disparus à Gaza. Les proches des photojournalistes Haytham Abdel Wahed de Ain Media et Nidal al-Wahidi du site d’information News Press, aussi collaborateur de la société de production Al Najah ont perdu contact avec eux le matin du 7 octobre. Les deux reporters couvraient ensemble les affrontements entre les brigades al-Qassam et le Jihad islamique d’un côté, et les forces israéliennes de l’autre, au passage d’Erez à Beit Hanoun, au nord de Gaza. Le lendemain, le 8 octobre, la famille de Nidal al-Wahidi dit l'avoir identifié dans une vidéo montrant des détenus capturés par l'armée israélienne, bien qu'il n'y ait eu aucune reconnaissance officielle de la part de ceux-là. 

Le correspondant de la chaîne d’information Al-Ghad TV, basé au Caire et à Londres, Ibrahim Kannan, a quant à lui été hospitalisé le 7 octobre pour des blessures au pied et au bras, à la suite d’une frappe israélienne sur la ville de Rafah au sud de Gaza, alors qu’il était en reportage  

Destruction de locaux de médias

Les locaux de plusieurs médias à Gaza ont été touchés par des tirs. Le siège du quotidien indépendant local Al-Ayyam, situé dans la tour Palestine à Gaza, a été complètement détruit à la suite d’une frappe israélienne qui a ciblé l’immeuble le 7 octobre. Le bureau de l’agence de presse palestinienne Ma'an, créée en 2005 à Bethléem, avec une antenne à Gaza situé dans la tour Watan, a également été endommagé par une frappe. Selon le directeur du média, Imad Eid, la frappe a été lancée sans avertissement préalable, détruisant le matériel et les équipements qui se trouvaient dans les bureaux. Des débris causés par une autre frappe ont atterri sur la terrasse des bureaux de l'Agence France Press (AFP) où s’étaient installés des journalistes. Aucun blessé n'a été recensé. Les bureaux de la radio locale Gaza FM et de l'agence de presse Chehab ont également été touchés. 

L’assaut du Hamas le 7 octobre sur plusieurs fronts a fait au moins 800 morts parmi les Israéliens, dont des dizaines de soldats. Une centaine de civils ont été pris en otage et au moins 2 600 personnes ont été blessées. Selon l’agence de presse Reuters, les combats entre les factions palestiniennes armées et les forces israéliennes ont eu lieu dans sept zones autour de la bande de Gaza, le territoire palestinien assiégé par Israël et sous le contrôle du Hamas depuis 2007. Coté palestinien, les chiffres du ministere de la Santé indiquent qu’au moins 687 civils ont été tués et que plus de 3 700 autres ont été blessés à la suite des bombardements israéliens dans la bande de Gaza.

Au moment de cette publication, RSF poursuit ses vérifications et ses enquêtes, avec ses relais locaux, quant à la situation des journalistes couvrant l’actualité sur la zone des affrontements actuels.

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