Palestine : RSF s’inquiète de la répression récurrente des journalistes
Agressés, arrêtés ou menacés, les journalistes sont empêchés de toute part de couvrir le quotidien des populations en Palestine. Quatre journalistes ont été empêchés de couvrir des manifestations pacifiques, le 4 août, par les autorités palestiniennes. Et plus de dix de leurs confrères ont été inquiétés par les forces d’occupation israéliennes depuis trois mois. Reporters sans frontières (RSF) dénonce ces graves atteintes à la liberté de la presse et demande aux autorités, israéliennes et palestiniennes, d'assurer le libre exercice des journalistes et de respecter le droit du public à l’information.
“Nous voulons vivre”, c’est le slogan qui réunit, via les réseaux sociaux, des milliers de personnes dans les rues de la bande de Gaza depuis le 30 juillet, afin de protester contre des coupures récurrentes d’électricité et des conditions de vie difficiles. Lors d’un de ces rassemblements pacifiques, qui se déroulait le 4 août 2023 à Gaza, RSF a comptabilisé 6 atteintes à la liberté d’informer émanant des forces de l’ordre palestiniennes. Parmi ces violations, un journaliste a été agressé verbalement, deux ont été interpellés et trois ont été menacés de l’être s’ils continuaient de couvrir les manifestations dans les territoires palestiniens. Ces atteintes à la liberté de la presse de la part des forces palestiniennes s'ajoutent à celles perpétrées par les forces israéliennes, qui s’en sont pris à 14 journalistes en reportage, selon les informations recueillies par RSF sur les trois derniers mois.
“Les forces de sécurité ont pour mission de protéger les journalistes et non d’entraver leur activité. Pris en étau entre des forces israéliennes d’occupation et des forces palestiniennes qui bafouent leur droit d’informer, les professionnels des médias sont victimes d’une double peine. Ce climat d’insécurité et l’impunité des attaques à la liberté de la presse doivent cesser immédiatement. Nous appelons les autorités d’occupation israéliennes et les forces de sécurité palestiniennes à assurer la sécurité des journalistes qui ne font rien d'autre que leur travail et à leur garantir le libre exercice de leur profession.”
Alors que le journaliste du quotidien Okaz, Ihab Fasfous, couvrait une de ces manifestations pacifiques à Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, le 4 août, il a été agressé verbalement par des agents des forces de sécurité palestiniennes, affiliées au Hamas. Ils lui ont arraché et confisqué son téléphone portable, qui ne lui a été rendu que trois heures plus tard. Lors du même rassemblement, son confrère photographe indépendant Mohammed al-Haddad a été menacé par un individu en civil prétendant être membre des services de renseignement du Hamas. Celui-ci lui a intimé l’ordre de quitter la zone, arguant qu'il n'était pas autorisé à prendre des photos.
Dans le district de Gaza-Nord, le même jour, les forces de sécurité du Hamas, qui contrôlent la bande de Gaza depuis 2007, ont arrêté plusieurs personnes qui se trouvaient à un rassemblement dans le camp de réfugiés palestiniens de Jabaliya. Parmi les personnes interpellées figuraient le photographe palestinien de l'Agence France-Presse (AFP) Mohammed Abdelrazeq al-Baba, et son confrère indépendant Bashar Ahmed Taleb. Ils ont été détenus pendant 45 minutes au centre de police de Jabaliya, avant d'être relâchés après la fouille de leurs téléphones. Lors du même événement, le correspondant de Palestine TV Fuad Jaradeh et le photographe de Awdah.tv Mohammad Abu Aoun ont, quant à eux, été menacés d’arrestation, par les forces de sécurité du Hamas, s’ils ne cessaient pas leur reportage.
Parmi les professionnels des médias inquiétés quelques jours plus tôt, mi-juillet, le journaliste du site +972 Magazine Basel Adra, qui couvrait les affrontements entre des Palestiniens et les colons israéliens dans les collines au sud d'Hébron, a été interpellé par des soldats israéliens. Son téléphone lui a été confisqué afin de faire disparaître les images d’une attaque menée par un coordinateur de la sécurité de l'armée israélienne. Il a été relâché quelques heures plus tard. Le journaliste et le caméraman de Alaraby télévision, Amjad Shahada et Rabih Munir, étaient eux en direct depuis l'intérieur du camp de réfugiés de Jénine, le 3 juillet, lorsqu’un véhicule militaire israélien s'est arrêté et que les soldats ont commencé à tirer à balles réelles sur la caméra et l'équipement de diffusion. Les tirs n’ont cessé que lorsque l'équipement visé a explosé et que la caméra est tombée au sol.
Depuis le début de cette année 2023, RSF a dénoncé à plusieurs reprises la dangerosité de l’exercice du journalisme dans les territoires palestiniens, qui a notamment coûté la vie à la journaliste d'Al Jazeera Shireen Abu Akleh. Elle a été tuée le 11 mai 2022, alors qu'elle couvrait un raid de l'armée israélienne à Jénine en Cisjordanie. Un meurtre toujours impuni à ce jour. La Palestine est 154e sur 180 dans le Classement de la liberté de la presse de RSF de 2023.