Kirghizistan : RSF condamne le bannissement en Russie de Bolot Temirov

Nominé au prix RSF 2022 de l’indépendance, le journaliste d’investigation qui possède la double nationalité a été arrêté le 23 novembre à Bichkek en salle d’audience du tribunal et expulsé le soir même vers Moscou. Reporters sans frontières (RSF) appelle les autorités kirghizes à lui restituer ses passeports et à cesser leurs attaques croissantes contre la presse dans le pays.

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Bolot Temirov a été envoyé manu militari vers la Russie sans affaires, sans téléphone, sans argent ni passeport international et en violation des procédures d’expulsion, s’indigne la responsable du bureau Europe de l’Est et Asie centrale, Jeanne Cavelier. Nominé pour le prochain prix RSF, le journaliste harcelé depuis des mois avait annoncé son intention de porter plainte en diffamation contre le président Sadyr Japarov et le chef du Comité d'État à la sécurité nationale (GKNB). On ne peut pas nier la nationalité d’un journaliste pour s’en débarrasser ! RSF les exhorte à lui restituer ses passeports kirghizes et russe et à cesser leurs attaques contre les médias indépendants.”

L’audience avait plutôt bien commencé, hier à Bichkek, la capitale kirghize. Le juge confirme l’acquittement de Bolot Temirov pour deux des trois charges fallacieuses dont il est accusé “possession illégale de stupéfiant” et “franchissement illégal de la frontière”. Sa culpabilité pour la troisième, “falsification” supposée de ses passeports kirghizes, est maintenue sans aucune peine cependant à cause du délai de prescription. Mais coup de théâtre : le tribunal décide d’y associer une demande d’expulsion du journaliste.

“Cette décision est totalement illogique et illégale, commente son équipe d’avocats, jointe par RSF. Si la peine principale n’est pas appliquée en raison de la prescription, pourquoi cette peine complémentaire d’expulsion serait, elle, applicable ? D’autant qu’il n’a pas été reconnu coupable d’avoir franchi illégalement la frontière.”

Par ailleurs, après son arrestation musclée au tribunal, Bolot Temirov a disparu sans aucun accès à ses avocats pendant plus de trois heures.

Auteur d’enquêtes retentissantes sur le pouvoir en place publiées sur sa chaîne YouTube Temirov Live, le journaliste subit un harcèlement judiciaire inédit depuis le début de l’année. Les premières poursuites fabriquées sont engagées à la suite d’une perquisition dans les locaux de la chaîne, le 22 janvier 2022, deux jours après la révélation de liens entre le chef du GKNB Kamtchybek Tachiev, un proche du président, avec une entreprise pétrolière publique.



Cette expulsion intervient alors que le pays, qui faisait jusqu’ici figure d'exception en Asie centrale par une relative liberté de la presse, prend un tournant autoritaire inquiétant. Les pressions sur les médias indépendants se sont multipliées au cours des derniers mois. Les autorités ont notamment cessé la transmission de Radio Azattyk (le service en kazakh du média américain Radio Free Europe/Radio Liberty), le 23 octobre, sous des prétextes techniques. Trois jours plus tard, ils bloquent les sites du média après un reportage sur des affrontements à la frontière tadjike, sous couvert d’une loi sur les fausses informations dénoncée par RSF en 2021. Par ailleurs, la révision en cours de la loi sur les médias, dont le projet a été présenté le 28 septembre, fait craindre le pire. “Cette loi vise à se débarrasser des sites qui déplaisent au gouvernement […] et à empêcher l’accès à des sources d’information variées sur des sujets sociaux importants”, souligne le centre d’analyse juridique indépendant le Media Policy Institute.

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