Alors que le gouvernement des talibans n’a pas tenu sa promesse d’appliquer la loi sur la presse, qui garantit la liberté des journalistes dans l'exercice de leur profession, Reporters sans frontières (RSF) dénonce la condamnation d’un journaliste par un tribunal militaire et les interpellations arbitraires et illégales de journalistes en Afghanistan.

Le 7 mai 2022, Khalid Qaderi, poète et journaliste pour la radio Norroz, a été condamné à un an de prison ferme par un tribunal militaire dans la ville de Herat. Il avait été arrêté le 17 mars par le service de renseignement des talibans (Istikhbarat) et pendant plusieurs jours sa famille n’avait aucune information sur son sort. Sa sœur, avocate et défenseure des droits humains en exil, a annoncé sa condamnation dans un tweet

Le dossier a été envoyé vers le parquet de la province de Herat (à l’est du pays) et le procureur général a plaidé devant un tribunal militaire. Selon les informations recueillies par RSF, le jeune homme a été accusé d’avoir publié sur sa page Facebook des contenus, notamment ses émissions de radio, critiquant les talibans. Pour sa défense, Khalid Qaderi aurait même déclaré : « Si c’est pour me punir, j’ai compris mes erreurs et j’ai supprimé les posts sur ma page. »

C’est la première fois depuis 20 ans qu’en Afghanistan un journaliste est jugé par un tribunal militaire, en principe réservé aux forces militaires, et sans la présence d’un avocat. Le journaliste a même été forcé de renoncer à son droit d'appel. Cette condamnation par un tribunal militaire est hors de proportion et en outre illégale.

Selon la loi, les plaintes émises contre les médias et les journalistes doivent être traitées par la Commission de vérification des délits des médias avant d’être, le cas échéant, transmises à la justice.

Le 17 avril, Elaham Haquiquat, la journaliste à Kandahar a été interpellée par la police de la ville pour essayer de couvrir une manifestation avant d'être libérée quelques heures plus tard. Le lendemain suite à un attentat dans la capitale Kaboul, plusieurs professionnels des médias ont été empêchés de couvrir librement l’événement, notamment le journaliste Reza Shahir et le cameraman Rohollah Noori de NoorTV, qui ont été interpellés pour quelques heures.      

Le 28 mars, dans une lettre ouverte à Richard Bennett, rapporteur spécial des Nations unies sur la situation des droits de l’homme en Afghanistan, restée sans réponse à ce jour, RSF lui demandait d’agir d’urgence pour défendre la liberté de la presse et les journalistes dans le pays.

« RSF dénonce le caractère arbitraire de ces interpellations et cette condamnation et rappelle que conformément à la loi sur la presse de mars 2015, toujours officiellement en vigueur, l’Istikhbarat et les tribunaux militaires n’ont pas le droit d'intervenir directement dans les affaires des médias ou d’interpeller des journalistes avant l’avis de la Commission de vérification des délits des médias », commente Reza Moini, le responsable du bureau Iran-Afghanistan de RSF.

Contrairement à la promesse des autorités afghanes, cette commission n’a pas encore été créée. Sa création est une demande maintes fois répétée des journalistes d’Afghanistan.

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