En Azerbaïdjan, les journalistes jetés en prison à la place des élites corrompues
Mise à jour : Le 30 novembre 2023, une autre journaliste d'AbzasMedia, Nargiz Absalamova, a été arrêtée à Bakou.
Le directeur, son assistant et la rédactrice en chef de l’un des rares médias indépendants encore basés à Bakou sont en détention provisoire, accusés de “contrebande de devises étrangères”. Face à cette pression inadmissible sur AbzasMedia, Reporters sans frontières (RSF) appelle à la libération immédiate de ces journalistes et alerte la communauté internationale sur la dégradation de la liberté de la presse en Azerbaïdjan.
Trois représentants du site d’information AbzasMedia, qui publie des enquêtes sur la corruption des élites azerbaïdjanaises, ont été placés en détention provisoire pour quatre mois. La rédactrice en chef Sevinj Vagifqizi, le directeur Ulvi Hasanli, ainsi que l’assistant de celui-ci, Mahammad Kekalov risquent 8 ans de prison pour “contrebande de devises étrangères”. La police azerbaïdjanaise aurait trouvé 40 000 euros en liquide lors d’une perquisition de 5 h menée le 20 novembre dernier dans les locaux d’AbzasMedia.
La rédaction accuse les forces de l’ordre d’avoir délibérément placé l’argent, afin de justifier l’arrestation de leurs collègues. Lors de l’audience du 21 novembre, qui a abouti à la mise en examen du directeur et de la rédactrice en chef, personne n’a été autorisé à pénétrer dans la salle d’audience et les forces de l’ordre ont empêché les journalistes de filmer leurs deux confrères détenus.
“En Azerbaïdjan, l’ordre public est inversé : les journalistes sont jetés en prison à la place des élites corrompues, dont ils révèlent les méfaits. La nouvelle loi liberticide sur les médias promulguée par le président Ilham Aliev semble insuffisante aux yeux du pouvoir pour étouffer les rares médias indépendants encore présents dans le pays. RSF alerte la communauté internationale sur la dégradation de la situation et appelle à la libération d’Ulvi Hasanli, de Sevinj Vagifqizi et de Mahammad Kekalov.
Un interrogatoire sur les enquêtes anti-corruption
Les trois journalistes azerbaïdjanais ont été arrêtés coup sur coup, fin novembre. Alors qu’il se rend à l’aéroport de Bakou, la capitale, le 20 novembre dernier, Ulvi Hasanli est embarqué de force par des hommes masqués. Il est ensuite frappé et questionné sur les enquêtes d’AbzasMedia sur la corruption, selon la rédaction du site. Première à alerter publiquement sur la disparition du directeur du média, Sevinj Vagifqizi est arrêtée le lendemain, dès son retour dans le pays. Ses collègues affirment que leur rédactrice en chef a été violentée durant son interrogatoire. Quant à Mahammad Kekalov, interpellé le 20 novembre à son domicile par des policiers en civil, il reste détenu pendant trois jours dans un lieu inconnu avant de pouvoir rencontrer l’avocate choisie par ses parents. Il refuse alors ses services, probablement sous la pression, d’après ses amis.
Les intimidations et entraves au travail de la rédaction se poursuivent. Deux autres journalistes ayant collaboré avec AbzasMedia, Sakhilya Aslanova et Nargiz Absalamovan ont été interrogées comme témoins pendant plus de 3 heures, le 23 novembre. La police a changé les serrures des bureaux, empêchant les journalistes d’y accéder.
Parallèlement à ces pressions, les autorités azerbaïdjanaises orchestrent des campagnes de discrédit contre des journalistes. Peu après les arrestations chez AbzasMedia, RSF a également été visée par des rumeurs absurdes et mensongères publiées par l’agence pro-gouvernementale Report.az, propagées par d’autres médias de propagande. La situation de la liberté de la presse se dégrade en Azerbaïdjan, où la loi sur les médias, entrée en vigueur en février 2022 en violation de la Constitution locale et des traités internationaux ratifiés par Bakou, vise à étouffer les derniers sites d’information indépendants encore présents sur le territoire.