Mexique : un triple enlèvement témoigne du climat de terreur qui pèse sur le journalisme local

Trois personnes ont été enlevées dans la région de Tierra Caliente, dans l’État de Guerrero, pour leur contribution à des publications sur une page d’actualité locale. Si deux d'entre elles ont été libérées mercredi 11 janvier, un journaliste est toujours porté disparu. Reporters sans frontières (RSF) appelle les autorités à tout mettre en œuvre pour  identifier les responsables et assurer la protection de Jesús Pintor et de Fernando Moreno

Le journaliste Jésus Pintor Alegre, fondateur du site Yo Soy Tu Imagen, Alan Garcia, politologue et administrateur du site d’information locale Escenario Calentano, ainsi que Fernando Moreno ont été enlevés entre le 25 et le 27 décembre dernier à Ciudad Altamirano et à Arcelia, dans l'État de Guerrero, région de Tierra Caliente (sud-ouest), l'une des plus dangereuses du pays, marquée par une forte présence du cartel de la Familia Michoacana. Deux d'entre eux, Jésus Pintor et Fernando Moreno, ont été libérés le 11 janvier. Alan Garcia est toujours porté disparu. Contacté par RSF suite à sa libération, Jesús Pintor a témoigné avoir été victime de chocs életriques et de torture psychologique pendant sa captivité. 

Le journaliste a déclaré que le motif présumé de l'enlèvement était lié à un "malentendu" au sujet de publications faites sur le site Escenario Calentano. Dans une vidéo publiée sur Internet après leur libération, il assure, tout comme Fernando Moreno, n'avoir aucun lien avec les informations publiées sur le site. Les publications de la page Escenario Calentano dénoncent de manière récurrente les liens présumés des autorités locales avec le cartel de la Familia Michoacana. Le dernier article publié avant l’enlèvement faisait explicitement référence à “El Fresa”, l’un de ses principaux leaders.

"Cet épisode est caractéristique du climat de terreur auquel sont confrontés les journalistes mexicains qui travaillent dans les endroits les plus reculés, dans de petites et de moyennes villes où les groupes criminels sont omniprésents. Ce sont des zones de silence, où un malentendu au sujet d’articles publiés sur des pages d'actualité locale suffit à justifier toutes sortes d'atrocités. Les autorités doivent agir au plus vite pour retrouver la trace d'Alan Garcia, toujours porté disparu, et pour identifier les responsables, ainsi qu’assurer la protection de Jesús Pintor et de Fernando Moreno.

Artur Romeu
Directeur du bureau Amérique latine de RSF

Le 7 janvier, une vidéo a été diffusée sur les réseaux sociaux, dans laquelle Fernando Moreno et Alan Garcia apparaissent menottés, et sont forcés à prononcer un message dans lequel ils affirment être "en train de payer les conséquences des publications qu'ils ont faites contre différentes personnes de la région de Tierra Caliente, dans les États de Mexico, Michoacán et Guerrero". Le but de la vidéo est clairement d’inspirer la terreur, et de décourager la publication de toute information sur les actions des groupes criminels dans la région. 

Le Mexique est l'un des pays les plus dangereux au monde pour l'exercice du journalisme. Au moins 11 cas d'assassinats ont été recensés par RSF pour la seule année 2022, et 27 journalistes sont toujours portés disparus. Le 2 novembre 2022, RSF et son organisation partenaire mexicaine Propuesta Cívica ont déposé deux plaintes contre le Mexique auprès du Comité des droits de l’homme des Nations unies à Genève, pour les cas des journalistes Mauricio Estrada Zamora et Ramón Ángeles Zalpa, qui ont disparu dans l’État du Michoacán respectivement en 2008 et 2010.

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