Inde : le journaliste Rupesh Kumar Singh arrêté à la suite d’une perquisition irrégulière

Harcelé et surveillé de longue date par les autorités, il a été arrêté dimanche 17 juillet au terme d’une perquisition clairement litigieuse. Reporters sans frontières (RSF) dénonce des violations graves de la procédure pénale qui entourent son interpellation et demande l’annulation immédiate des charges.

Dimanche 17 juillet, à cinq heures du matin, une dizaine d’officiers ont fait irruption chez le journaliste indépendant Rupesh Kumar Singh à Ramgarh, une ville de l’État du Jharkhand, en Inde de l’Est. Après une fouille de neuf heures de son domicile, ils l’ont finalement arrêté au prétexte de sa proximité avec des dirigeants rebelles maoïstes, dans une affaire de 2021.

“L’arrestation choquante de Rupesh Kumar Singh, véritable simulacre de procédure, témoigne d’un nouveau dévoiement des outils judiciaires par l’administration policière pour museler les journalistes indépendants, dénonce le directeur du bureau Asie-Pacifique de RSF, Daniel Bastard. Nous appelons le président de la haute cour du Jharkhand, Ravi Ranjan, à constater les multiples violations du Code de procédure pénale et à prendre les mesures qui s’imposent pour prononcer un non-lieu au sujet du journaliste.”

Au fil de la perquisition, les irrégularités se sont succédé : le journaliste et sa femme a été sommé de sortir du domicile pendant trente minutes, pendant que les policiers, enfermés à l’intérieur, ont eu tout le loisir de déposer d’éventuelles preuves factices. C’est au terme de plusieurs heures que l’officier en charge de l’opération a daigné fournir un mandat d’arrêt pour légitimer l’arrestation du journaliste. Et, plus déconcertant, un agent s’est permis de partir avec une couverture “parce qu'[il] l’appréciait”.

Perpétuité

Rupesh Kumar Singh est inculpé sur la base d’une panoplie d’articles du Code pénal indien, de la loi sur les activités illégales (Unlawful Activities [Prevention] Act, UAPA) et de la loi sur le droit criminel (Criminal Law [Amendment] Act). Des charges qui pourraient l’envoyer derrière les barreaux à perpétuité.

Dans son dernier reportage en date du 15 juillet, Rupesh Kumar Singh, qui écrit notamment pour les portails en ligne Janchowk et Media Vigil, rapportait les désastres sanitaires causés par la pollution industrielle sur les habitants de ​​la ville de Giridih.

Depuis une dizaine d’années, le journaliste couvre les problématiques économiques et sociales qui touchent les populations de l’est de l’Inde. Il s’intéresse particulièrement aux adivasis, soit les communautés autochtones indiennes et dénonce régulièrement les inégalités criantes qu’ils subissent par rapport au reste de la population - ce qui lui vaut d’être réduit à un criminel “maoïste” aux yeux des autorités - ou “naxalite”, selon la terminologie locale.

 Sur écoute 

En juin 2019, plusieurs articles signés par ​​Rupesh Kumar Singh lui ont valu d’être une première fois détenu sur pression des autorités du Jharkhand. Son véhicule a été fouillé lors d’une arrestation ciblée dans l’État voisin du Bihar et des matières explosives y ont été découvertes.

Or, selon le journaliste, ce sont les policiers qui auraient placé eux-mêmes ces fausses preuves pour l’accuser injustement. Il a été maintenu en détention pendant six mois, à la suite de quoi le parquet a été contraint de le relâcher - aucun chef d’accusation recevable n’ayant été déposé dans le temps imparti.

Symbole du harcèlement dont il est victime, on apprenait il y a tout juste un an que le nom de Rupesh Kumar Singh figurait parmi ceux de 40 de ses confrères indiens mis sur écoute par leur gouvernement, avec l’aide du logiciel espion Pegasus. RSF s’était alors insurgé contre cet “outil répugnant et sordide”, ciblant plus de 200 journalistes dans le monde. L’organisation avait saisi l’ONU et porté plainte devant la justice française contre la société NSO Group, qui commercialise le logiciel.

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