Géorgie : RSF demande le réexamen du verdict condamnant le directeur d’une chaîne de télévision d’opposition à une peine de prison

Le directeur de la chaîne d'opposition Mtavari Arkhi TV a été condamné à trois ans et demi de prison pour “abus de pouvoir”. Reporters sans frontières (RSF) s’inquiète des menaces croissantes à l’encontre des médias géorgiens indépendants et d’opposition et demande le réexamen de ce verdict sans précédent en Géorgie, vraisemblablement politiquement motivé. 

 

C’est la première fois qu’un dirigeant d’un média proche de l’opposition est condamné à une peine de prison en Géorgie. Jugé coupable d’avoir causé des dommages matériels à la chaîne Rustavi 2 TV qu'il a dirigé pendant huit ans, Nika Gvaramia, a écopé de trois ans et demi d’emprisonnement le 16 mai à Tbilissi, la capitale. Aujourd’hui directeur de la chaîne d’opposition Mtavari Arkhi TV qu’il a fondée en 2019, il nie les accusations d’utilisation de fonds destinés à Rustavi 2 TV à des fins personnelles et envisage de faire appel de la décision. 

“La sévérité du verdict, sur un fondement douteux, suggère une affaire politiquement motivée, visant à affaiblir un média d'opposition, affirme Jeanne Cavelier, responsable du bureau Europe de l’Est et Asie centrale de RSF. Ces dernières années, les autorités géorgiennes ont non seulement démontré une certaine passivité face aux attaques contre la liberté de la presse, mais aussi une volonté d’entraver le travail de journalistes d’opposition. Nous appelons le tribunal à réexaminer immédiatement l’affaire contre Nika Gvaramia en toute indépendance et nous demandons aux autorités de respecter leurs engagements internationaux de garantir un environnement sûr pour tous les médias en Géorgie.”

Selon l'enquête, Nika Gvamaria, directeur de la chaîne Rustavi 2 à l'époque, a conclu un accord avec le constructeur automobile Porsche en 2015 pour acquérir une voiture de luxe en échange d'une campagne publicitaire pour la marque. Cela aurait entraîné des pertes financières pour la chaîne. Or, même si ces faits étaient avérés, sa responsabilité pénale n’aurait pas dû être engagée, selon le défenseur public de Géorgie, élu par le Parlement. Celui-ci a conclu, après analyse de l’affaire, que les motifs de poursuites avancés dans l’enquête étaient insuffisants. 

Média critique du pouvoir à la plus forte audience en Géorgie, Mtavari Arkhi TV continue d’émettre malgré les difficultés et les pressions. Nika Gvaramia, qui est également l’avocat de l’ancien président géorgien Mikheil Saakachvili aujourd'hui emprisonné, sera remplacé par son adjoint, le journaliste Giorgi Gabounia et par le juriste Dimitri Sadzaglichvili, qui se partageront les fonctions de directeur général. La chaîne est régulièrement la cible d’attaques de la part des autorités. Ainsi, en novembre 2021, Mtavari Arkhi TV a été condamnée à une amende de 111 303 Lari (36 469 euros) pour avoir diffusé des vidéos de soutien à Mikheil Saakashvili, un opposant au parti au pouvoir Rêve Géorgien. Les représentants de ce parti, comme la vice-première ministre et ministre de la Culture Tea Tsouloukiani ou le maire de Tbilissi Kakha Kaladze, n’ont pas hésité à s’en prendre, l’an dernier, à des journalistes de la chaîne, alors qu’ils étaient en reportage.

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