Trois chaînes tout-info sont actuellement suspendues des réseaux câblés par les autorités pakistanaises, en représailles à leur retransmission d’une conférence de presse d’une figure de l’opposition. Reporters sans frontières (RSF) dénonce un nouveau cas de censure, révélateur des inquiétantes dérives dictatoriales du pouvoir.

“Cette chaîne est actuellement indisponible en raison d’un problème technique. Désolé pour le gène occasionnée.” C’est à ce message sibyllin que sont réduits les téléspectateurs des chaînes tout-info AbbTakk TV, 24 News et Capital TV, après que leur diffusion a été brutalement interrompue hier soir, lundi 8 juillet. “Nous avons été supprimés des réseaux câblés sans la moindre notification, témoigne auprès de RSF le directeur de l’information de AbbTakk, Shahab Mehmood. La PEMRA ne nous a donné aucune explication sur cette décision.” 


La PEMRA, ou Pakistan Electronic Media Regulatory Authority, est le tout-puissant régulateur de l’audiovisuel du pays. Proche de l’establishment militaire, elle s’est en fait contentée de publier, dimanche matin à l’aube, un tweet au style savamment bureaucratique : “La PEMRA émet un avis aux chaînes de télévision concernant la retransmission en direct de la conférence de presse tenue par Maryam Nawaz contre les institutions de la justice et de l’Etat, en violation des lois et du code de conduite de la PEMRA.”


Le message fait référence à une réunion publique tenue la veille, le samedi 6 juillet, par Maryam Nawaz, figure de l’opposition et fille de l’ancien Premier ministre aujourd’hui en prison Nawaz Sharif. Forte d’une preuve vidéo, dont l’authenticité n’a pu encore être vérifiée, elle y dénonce les pressions dont a été l’objet le juge qui a condamné son père, il y a un an. Najam Sethi, un célèbre journaliste qui collabore notamment à 24 News, a confirmé sur Twitter que la coupure des trois chaînes est bien un acte de représailles lié à la couverture de cet événement.


Pouvoir dictatorial


“Il s’agit là d’une violation absolument intolérable des principes de pluralisme et d’indépendance des médias, dans le contexte d’une révélation qui relève clairement de l’intérêt public pour les citoyens du Pakistan, dénonce Daniel Bastard, responsable du bureau Asie-Pacifique de RSF. Nous appelons le pouvoir civil du Premier ministre Imran Khan à agir immédiatement pour que la diffusion des trois chaînes de télévision soit rétablie. La récente recrudescence des actes de censures brutales de la presse laisse apparaître la nature de plus en plus dictatoriale du pouvoir actuel.”


Il y a une semaine, une interview menée en direct par le journaliste politique Hamid Mir, sur la principale chaîne d’information, Geo News, a été soudainement interrompue. Il y interrogeait l’ancien président pakistanais, Asif Ali Zardari. 


Il y a un peu plus d’un an, c’est la diffusion des cinq chaînes du réseau Geo TV qui avait  été suspendue pendant plusieurs jours sur au moins 80% du territoire pakistanais, a priori, en représailles à des traitements trop indépendants de l’information. Aucun ordre officiel n’est venu légitimer cette coupure, mais l’armée ayant, dans chaque district, la main sur les réseaux câblés, les regards se sont rapidement tournés vers les militaires.


En chute de trois places, le Pakistan se situe à la 142e position sur 180 pays dans l’édition 2019 du Classement mondial de la liberté de la presse publiée par RSF.

Publié le
Updated on 09.07.2019