Alors que la Pologne offre un paysage médiatique varié, la conscience publique de la liberté de la presse demeure encore faible. Pendant les huit ans de gouvernement du parti Droit et justice (PiS), les médias publics ont été transformés en instruments de propagande et les médias privés soumis à diverses pressions. La victoire de l’opposition fin 2023 représente une opportunité d’améliorer le droit à l’information.
Paysage médiatique
Le marché privé est relativement pluraliste, avec des médias indépendants comme la chaîne TVN, le quotidien Gazeta Wyborcza ou le site d’information Onet.pl. L’ancien gouvernement a transformé les médias publics, et notamment le groupe TVP, en instruments de propagande gouvernementale et a pris le contrôle du réseau des journaux locaux, PolskaPress, à travers son acquisition par la société pétrolière Orlen, majoritairement possédée par l’État.
Contexte politique
Depuis la prise du pouvoir par une coalition menée par Donald Tusk début 2024, les attaques verbales et les procédures-bâillons (SLAPP) à l’égard des médias privés de la part du gouvernement ont diminué. Quant aux médias publics, ils font l’objet d’une bataille politique qui oppose le nouveau gouvernement – qui met en place une réforme fragile – et les institutions contrôlées par le parti du gouvernement précédent, le PiS, qui tentent de l’en empêcher.
Cadre légal
Bien que la Constitution garantisse la liberté de la presse et le droit à l’information, ces dernières années, l’ancien gouvernement a tenté de les restreindre grâce à une législation spécifique sous prétexte, par exemple, de lutter contre l’espionnage et l’influence de la Russie. Ainsi, de septembre 2021 à fin 2022, les journalistes ne pouvaient pas circuler et travailler librement à la frontière avec le Bélarus, où des douzaines d’immigrants, sur les centaines qui tentaient d’entrer en Pologne, ont péri. Le régulateur d’État, contrôlé par des personnes nommées par le PiS, tente de contrer le journalisme en utilisant le recours juridique de la protection de la “raison d’État”. De même, alors que la confidentialité des sources est inscrite dans la loi, les autorités ont tenté, dans certains cas, d’y porter atteinte. L’“Insulte” à certaines institutions et la diffamation restent passibles d’une peine de prison.
Contexte économique
La radiodiffusion publique est financée par l’État, tandis que les médias privés comptent sur des modèles d’abonnements, grâce à la taille relativement importante du marché polonais. Ils ont fait face à une tentative avortée d’affaiblissement à travers une taxe spéciale visant leurs revenus publicitaires. Avant 2024, la publicité publique était essentiellement attribuée aux médias pro-gouvernementaux, et ce en toute opacité. Quant aux “journaux gouvernementaux locaux” publiés grâce à l’argent public, ils faisaient souvent concurrence à la presse indépendante dans le marché publicitaire.
Contexte socioculturel
La polarisation croissante de la société a entraîné une augmentation des attaques verbales contre les journalistes. Les citoyens conservateurs tentent de les décourager de couvrir les sujets LGBTQ+ ou liés au genre, et le blasphème reste passible d’emprisonnement. Les médias indépendants bénéficient néanmoins d’un grand soutien d’une partie importante de la population, qui a protesté, par exemple, contre la loi concernant le rachat de TVN.
Sécurité
Après un pic en 2020 lors de la “grève des femmes”, le niveau de violence – de la part de la police, mais aussi des groupes extrémistes opposés à ce mouvement – a diminué. Les attaques contre les journalistes ont cependant montré que les autorités chargées de faire respecter la loi ne peuvent ni les protéger efficacement ni garantir leurs droits lors des manifestations. En 2021, elles ont même empêché délibérément les journalistes de couvrir la crise des réfugiés près de la frontière avec le Bélarus, par des arrestations aussi arbitraires que violentes.