En Albanie, la liberté de la presse et l’indépendance des médias sont menacés par les conflits d’intérêts entre le monde économique et politique, un cadre juridique lacunaire et une réglementation partisane. Les journalistes sont victimes d’actes d’intimidation de la part des politiques et des membres du crime organisé.
Paysage médiatique
Les médias albanais les plus influents sont aux mains d’une poignée d’entreprises liées au monde politique, dans des secteurs strictement réglementés comme la construction. Alors qu’il existe des centaines de médias en ligne dans le pays, seule une minorité repose sur un modèle économique durable et un financement transparent. Parmi les principaux médias, on trouve la radio-télévision publique RTSH, Top Channel, TV Klan et RTV Ora.
Contexte politique
Les journalistes subissent des pressions politiques, en particulier durant les périodes électorales. La classe politique menace l’indépendance des rédactions à travers la politisation des instances de régulation des médias et de la nomination des responsables de médias publics, comme celle d’un proche du parti pour diriger la RTSH en 2023. Alors que les journalistes critiques essuient régulièrement des attaques visant à les discréditer, de la part du gouvernement tout comme de l’opposition, il leur est difficile d’obtenir des informations d’ordre public, dont l’accès risque d’être encore plus restreint par la récente centralisation de la communication gouvernementale.
Cadre légal
Bien que la liberté de la presse soit garantie par la Constitution et les engagements juridiques internationaux de l’Albanie, la protection de la confidentialité des sources reste insuffisante. Elle a notamment été mise à mal par la saisine, en 2023, du matériel du journaliste d’investigation Elton Qyno. Par ailleurs, sur décision controversée d'un procureur, les médias se sont vu interdire la couverture des répercussions d'une cyberattaque de 2022 visant les institutions de l'État.
Contexte économique
Une importante partie du marché des médias albanais est concentrée dans les mains de quatre ou cinq entreprises. Le financement public représente une grande part des revenus des médias, mais sa distribution opaque et discriminatoire soulève des soupçons de trafic d’influence.
Contexte socioculturel
Les professionnels des médias enquêtant sur le crime et la corruption sont particulièrement visés par des menaces. Les femmes journalistes, qui constituent la majorité de la profession, sont confrontées au harcèlement en ligne et parfois à des cas de discrimination de genre au sein des rédactions, dont il convient pourtant de saluer les progrès en la matière. L’autocensure est courante, mais en dépit de cette menace, des médias ont créé une plateforme pour une autorégulation éthique, une première en Albanie.
Sécurité
Des reporters couvrant des manifestations et des opérations menées par les forces de l’ordre sont parfois victimes de violences policières. Mais le crime organisé représente une des plus grandes menaces pour l’intégrité physique des journalistes. Bien que la police se soit récemment mobilisée pour poursuivre les attaques envers des journalistes, l’impunité des crimes commis contre eux, associée aux tentatives politiques de les discréditer, génère un climat susceptible d’encourager de nouvelles agressions contre des professionnels des médias. En mars 2023, l’attaque sans précédent contre le bâtiment de Top Channel à coup de tirs d’armes automatiques a causé la mort d’un agent de sécurité du média.