Pologne : les recommandations de RSF sur la réforme des médias publics partiellement prises en compte – mais le gouvernement doit faire davantage
Bien que le ministère polonais de la Culture ait accepté certaines recommandations de Reporters sans frontières (RSF), les garanties pour l'indépendance éditoriale des médias publics restent insuffisantes pour se conformer à la législation européenne sur la liberté des médias (EMFA). Le gouvernement pourrait saisir cette occasion pour devenir un leader européen en matière de liberté de la presse, s’il fait preuve de plus d’ambition.
Le rapport sur une consultation publique concernant la réforme des médias publics, publié par le ministère de la Culture le 6 novembre dernier, intègre certaines recommandations de RSF. En particulier, le ministère prévoit de dépolitiser partiellement le processus de nomination des dirigeants des médias publics. Il reconnaît également que cela pourrait être accompli en affaiblissant quelque peu le rôle du Conseil national de la radiodiffusion (KRRiT) – sous l’influence des partis politiques – dans la sélection des membres des conseils d’administration et des rédacteurs en chef des médias publics.
Cependant, la proposition de RSF de financer les médias publics via une taxe sur les plateformes numériques a été rejetée. De plus, le rapport ne va pas assez loin pour renforcer le rôle des représentants d’organisations de la société civile, et des experts des médias, dans la prise de décisions sur la direction et le budget des diffuseurs publics. Bien que ces organisations et experts contribuent aux décisions concernant la gestion financière et opérationnelle, le KRRiT joue un rôle beaucoup plus important en la matière. L’indépendance éditoriale et financière des médias publics resterait donc insuffisamment protégée contre les pressions politiques, alors que c’est une exigence présente dans l’article 5 de l’EMFA, qui doit être appliquée à partir d’août 2025.
Le ministère de la Culture devrait proposer un projet de loi basé sur ce rapport – qui donnera lieu à une nouvelle consultation publique – d’ici la fin de l’année, peu avant que la Pologne ne prenne la présidence tournante du Conseil de l’Union européenne (UE) de janvier à juillet 2025.
"Alors que les États membres de l’UE commencent à mettre en œuvre l’EMFA, la lettre et l’esprit de cette loi sont contestés par plusieurs gouvernements, notamment en Hongrie et en Slovaquie. Face à ce recul, la Pologne pourrait devenir un leader européen en matière de liberté de la presse, ce qui renforcerait également sa crédibilité à l’étranger, en particulier à l’approche de sa présidence de l’UE. Nous appelons la Pologne à être plus ambitieuse dans l’application de cette législation européenne et dans les garanties pour l’indépendance des médias publics.
RSF a soumis ses recommandations sur la réforme des médias publics en Pologne le 23 septembre, au cours de la consultation publique, après des réunions avec la direction de la chaîne publique polonaise, Telewizja Polska (TVP), et avec la sous-secrétaire d’État au ministère de la Culture, Marta Cienkowska. RSF a exhorté le gouvernement polonais à :
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garantir l’indépendance dans la direction des médias publics, en impliquant des organisations de la société civile et des organisations de journalistes dans l’élection des conseils d’administration et des rédacteurs en chef des médias publics, et en réduisant ainsi l’influence politique ;
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assurer un financement durable et indépendant des médias publics via des mécanismes tels qu’une taxe sur les plateformes numériques et la création d’un organisme indépendant – séparé du contrôle politique – pour évaluer les besoins financiers à long terme ;
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renforcer l’indépendance éditoriale en encourageant les diffuseurs publics à adopter des normes internationales comme la Journalism Trust Initiative (JTI) et la Charte de Paris sur l’intelligence artificielle et le journalisme, afin de garantir l’impartialité et le pluralisme.
La Pologne se situe au 47e rang sur 180 pays et territoires dans le Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2024. Elle a gagné dix places depuis 2023, ce qui reflète l’espoir suscité par le départ du gouvernement du parti Droit et justice, hostile à la liberté de la presse.