Une cour d'appel fédérale suspend in extremis les sanctions financières contre la journaliste Toni Locy, poursuivie pour son refus de livrer ses sources
Reporters sans frontières exprime son soulagement après la suspension de peine prononcée, le 11 mars, par une cour d'appel fédérale en faveur de Toni Locy. L'organisation rappelle néanmoins que cette décision n'invalide pas sur le fond la condamnation de la journaliste, qui risque toujours la prison.
Une cour d'appel du district de Columbia a suspendu, le 11 mars 2008, l'application de la condamnation prononcée, quatre jours plus tôt, contre Toni Locy, ancienne journaliste du quotidien USA Today. Accusée d'“outrage à la Cour” en raison de son refus de livrer les noms de ses sources dans deux articles concernant une affaire de terrorisme - dite de l'anthrax - qu'elle avait publiés en 2003, la journaliste avait été condamnée à payer une amende pouvant atteindre 5 000 dollars par jour jusqu'au 3 avril, date du prononcé d'une éventuelle peine de prison. La décision du juge fédéral Reggie Walton obligeait notamment la journaliste à verser d'elle-même l'intégralité de la somme en lui interdisant tout autre soutien financier. Toni Locy avait déposé un recours en urgence, le 10 mars. La sanction devait entrer en vigueur le lendemain.
“Nous sommes évidemment soulagés de cette décision, qui se limite cependant à une suspension de peine et n'invalide pas, sur le fond, la condamnation du juge Walton contre Toni Locy. Au-delà du cas personnel de la journaliste, c'est bien la possibilité pour toute la profession de protéger ses sources au niveau fédéral qui est en cause. C'est pourquoi nous appelons une fois encore au vote rapide par le Sénat de la ‘loi-bouclier' accordant ce droit aux journalistes, déjà approuvée par la Chambre des représentants, le 16 octobre 2007”, a déclaré Reporters sans frontières.
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11.03.08 - Reporters sans frontières condamne l'acharnement judiciaire contre une journaliste obligée de livrer ses sources
Reporters sans frontières s'élève contre la décision, prise le 7 mars 2008 par un juge fédéral, d'infliger à Toni Locy, ancienne journaliste d'USA Today, une amende pouvant atteindre 5 000 dollars par jour si elle persiste à garder secrètes des sources utilisées dans une enquête publiée en 2003 sur un ancien scientifique de l'armée considéré comme suspect dans l'affaire dite de l'anthrax. Le juge Reggie Walton a interdit à l'ancien employeur de la journaliste ainsi qu'à sa famille de verser la somme à sa place et Toni Locy risque la prison à compter du 3 avril prochain. L'organisation appelle le Sénat à voter au plus vite la “loi-bouclier” garantissant le secret des sources au niveau fédéral, que la Chambre des représentants a déjà approuvée, le 16 octobre 2007.
“L'obligation faite à un journaliste de livrer ses sources par la justice fédérale n'est malheureusement pas une première aux États-Unis et certains de ses collègues ont connu la prison pour avoir refusé de s'y plier. C'est pourquoi il est urgent que le Sénat débate et vote au plus vite la ‘loi-bouclier' reconnaissant aux journalistes le droit de garder secrets les noms de leurs informateurs. Au-delà, nous nous indignons du procédé par lequel le juge Reggie Walton tente d'imposer sa décision à Toni Locy. Interdire à la journaliste de compter sur le soutien de sa famille ou de ses anciens employeurs relève de l'acharnement”, a déclaré Reporters sans frontières.
Le 7 mars 2008, le juge fédéral de Washington Reggie Walton a confirmé une première condamnation prononcée, le 19 février dernier, contre Toni Locy pour “outrage à la Cour”, obligeant la journaliste à s'acquitter quotidiennement d'une amende pouvant atteindre 5 000 dollars tant qu'elle ne livrerait pas les noms de ses sources confidentielles, relatives à l'affaire dite de l'anthrax. Le juge fédéral a, en outre, interdit à quiconque d'apporter à Toni Locy un soutien financier et a menacé de prison l'ancienne rédactrice du quotidien USA Today à compter du 3 avril si la pression par l'amende ne suffisait pas. Le paiement de l'amende doit prendre effet le 11 mars 2008 à minuit (heure de Washington). Toni Locy a déposé un recours en urgence, la veille.
Sur la base d'informations obtenues de sources gouvernementales, Toni Locy et d'autres collègues de différents médias, avaient rendu publique, en 2003, l'identité de Steven Hatfill parmi les personnes suspectées dans des attentats par colis piégés à l'anthrax, qui avaient tué cinq personnes en 2001. Ancien scientifique de l'armée, Steven Hatfill avait engagé des poursuites contre le département de Justice pour “violation de la loi fédérale sur la protection des données personnelles”. Le 13 août 2007, dans le cadre de cette procédure, le juge Walton avait sommé six journalistes - Allan Lengel, du Washington Post, Michael Isikoff et Daniel Klaidman, de Newsweek, James Stewart, de CBS News, Brian Ross, d'ABC et Toni Locy - de livrer les noms des fonctionnaires gouvernementaux à l'origine de la fuite. Toni Locy avait livré les noms de deux sources, avec l'accord de ces dernières. James Stewart, qui a refusé de dévoiler l'identité d'autres sources, pourrait lui aussi être condamné pour “outrage à la Cour”.
Seule une approbation par le Sénat de la loi sur la libre-circulation de l'information (“Free Flow of Information Act”), reconnaissant aux journalistes la protection des sources au niveau fédéral, pourrait rendre caduque la décision du juge Walton. Le texte, déjà approuvé par la Chambre des représentants et par le comité judiciaire du Sénat, attend d'être voté en séance plénière à la Chambre haute. Le 7 mars 2008, le sénateur Patrick Leahy (D-Vermont), président du comité judiciaire, et son confrère Arlen Specter (R-Pennsylvanie), ont adressé une lettre aux chefs de file des deux grands partis en appelant à un vote rapide de la “loi-bouclier” fédérale. Le privilège du secret des sources est reconnu aux journalistes dans trente-deux États de l'Union et le District of Colombia.