Un journaliste russe “agent de l’étranger” abusivement refoulé de Serbie, les autorités restent silencieuses
Roman Perl a été refoulé à l’aéroport de Belgrade malgré des papiers en règle, pour “risque à la sécurité nationale”. Interpellé en 2023 en Serbie lors d’un documentaire devant l’ambassade russe, le journaliste russe travaillant pour Current Time et vivant en exil en Israël est étiqueté “agent de l’étranger” par les autorités de son pays. Reporters sans frontières (RSF) s’inquiète d’une influence russe sur son interdiction d’entrée en Serbie.
Étiqueté “agent de l’étranger” par les autorités russes depuis 2021, le journaliste Roman Perl est persuadé de figurer sur une “liste noire” serbe à la demande du Kremlin, alors que plusieurs enquêtes ont démontré l’implication du vice-Premier ministre serbe Aleksandar Vulin, ancien directeur des services de renseignement, dans l’espionnage des citoyens russes en Serbie.
C’est à titre privé que le journaliste russo-israélien se rendait le 8 juin à Belgrade, la capitale, lorsque les douaniers l’ont refoulé pour “risque à la sécurité nationale” en lui tendant, sans autre justification, un document listant des articles de loi, qu’il a transmis à RSF.
Contactés, les ministères de l’Intérieur et de l’Information n’ont pas répondu aux demandes d’explication de RSF. L’an dernier, le journaliste pigiste pour la chaîne en russe Current Time TV, fondée par les médias américains Voice of America et Radio Free Europe/Radio Liberty, avait été brièvement interpellé devant l’ambassade russe en Serbie, après un appel du personnel. Il avait interviewé, pour un documentaire, un homme portant un drapeau ukrainien.
“En quoi un journaliste russe persécuté dans son pays menace-t-il l’ordre constitutionnel et la sécurité serbe ? Il est inacceptable pour un pays candidat à l’adhésion à l’Union européenne de suivre la voie du Kremlin dans sa chasse aux médias indépendants. RSF appelle le gouvernement serbe à cesser toute expulsion et refoulement de journalistes en exil et à résister à l’influence russe relayée en son sein.
La pression sur les journalistes et militants des droits humains s'est intensifiée récemment dans le pays, y compris sur ceux de citoyenneté russe et biélorusse, à l’image de la décision, le 31 mai, d’expulser l’activiste et cinéaste Andreï Gnyot vers le Bélarus, où il risque plusieurs années de prison. En exil en Europe, l’ancienne rédactrice en chef du journal étudiant russe DOXA Natacha Tychkevitch avait, elle, été enfermée près de deux jours à l’aéroport de Belgrade en août 2023, avant d’être renvoyée vers Malte.
Depuis son invasion de l’Ukraine, la Russie accroît sa pression sur les pays qu’elle considère dans sa sphère d’influence afin de persécuter les médias indépendants jusque dans leur pays d’exil. En Géorgie également, RSF a dénoncé le refoulement de plusieurs journalistes sans aucune justification.