De passage en Serbie, une journaliste russe en exil se fait traiter comme une criminelle

Reporters sans frontières (RSF) dénonce l’arrestation et les conditions de détention déplorables de l’ancienne co-rédactrice en chef du média russe DOXA, Natacha Tychkevich à l’aéroport de Belgrade. L’organisation s’alarme d’une possible volonté d’intimider les journalistes russes exilés.

Ancienne co-rédactrice en chef du magazine étudiant DOXA en Russie, Natacha Tychkevitch a quitté son pays l'an dernier pour échapper à une condamnation abusive. Elle ne s’attendait pas à perdre sa liberté dans son exil européen. Parce qu’elle ne savait pas qu’il lui fallait un visa en plus de son document de voyage émis par l’Allemagne, son pays d’accueil, elle a été enfermée pendant presque deux jours à l’aéroport par les autorités serbes.

“S’il est légitime d’interdire l’entrée sur le territoire à une personne en défaut de visa, la placer en garde à vue pendant plus de 40 heures est une mesure disproportionnée. Traiter Natacha Tychkevitch comme une criminelle relève-t-il d’une volonté de la part des autorités serbes d’intimider les journalistes russes forcés à l’exil, pour plaire au Kremlin ?

Pavol Szalai
Responsable du bureau UE-Balkans de RSF

Lorsqu’elle atterrit à l’aéroport de Belgrade le 7 août 2023 pour rendre visite à des amis en Serbie, Natacha Tychkevitch dispose seulement d’un document de voyage émis par l’Allemagne, son pays d’exil. Son passeport lui avait été confisqué par les autorités russes dans le cadre des poursuites engagées contre elle et ses trois co-rédacteurs en chef. Elle se heurte alors au refus d’entrer des gardes-frontières serbes, apprenant à ce moment-là que son document n’était pas valable sans visa hors de l’Union européenne.

Au lieu d'imposer à Natacha Tychkevitch, dans une zone de transit de l’aéroport Nikola Tesla, une simple obligation de quitter le territoire, les autorités l’arrêtent et la détiennent pendant plus de 40 heures, la privant presque intégralement de nourriture. Quand, en larmes, elle refuse d’entrer dans la cellule, les gardes menacent de l’envoyer “dans une vraie prison”. Le 9 août, elle est renvoyée vers Malte, d’où elle était initialement partie pour rejoindre la Serbie.  

Natacha Tychkevitch a quitté la Russie en août 2022, quelques mois après sa condamnation à deux ans de travaux forcés à cause de la publication d’une vidéo, plus d’un an auparavant, montrant les tactiques d’intimidation des forces de l’ordre russes contre des étudiants qui souhaitaient participer à des manifestations pro-Navalny, l’opposant au Kremlin actuellement en prison en Russie. Réfugiée en Arménie avant de s’installer en Allemagne, elle fait l’objet d’un mandat d’arrêt russe depuis novembre 2022.

Selon le média serbe indépendant Nova.rs, des opposants politiques russes ont été condamnés en Russie grâce à la surveillance des services secrets serbes. L’opération aurait été dirigée sur le territoire serbe par le ministre de l’Intérieur de l’époque et l’actuel directeur d’une agence d’espionnage serbe, Aleksandar Vulin, qui fait l’objet de sanctions des États-Unis.

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