RSF dénonce une nouvelle dégradation de la situation de la liberté de la presse
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Sur fond de recrudescence du nombre de meurtres ou d'attaques de journalistes, le harcèlement judiciaire de certains médias achève de contraindre l'ensemble de la presse à l'autocensure.
Dans une lettre adressée, le 2 avril 2002, au président russe Vladimir Poutine, Reporters sans frontières (RSF) a dénoncé une nouvelle dégradation de la situation de la liberté de la presse dans le pays.
"Semaine après semaine, les faits sont là qui démentent les déclarations rassurantes du pouvoir sur l'état de la liberté de l'information en Russie. Sur fond de recrudescence du nombre de meurtres ou d'attaques de journalistes, le harcèlement judiciaire de certains médias achève de contraindre l'ensemble de la presse à l'autocensure", a déclaré Robert Ménard, secrétaire général de Reporters sans frontières. "Nous vous demandons de donner les instructions nécessaires pour qu'un véritable coup d'arrêt soit porté à cette situation intolérable, et lourde de menaces pour l'avenir de la démocratie en Russie" a ajouté M. Ménard.
La recrudescence des meurtres et violences envers les journalistes, constatée en 2001, se poursuit. Selon les informations recueillies par RSF, le corps du rédacteur en chef de l'édition de Smolensk (Ouest du pays) du quotidien Moskovski Komsomolets, Serge¨Kalinovski, disparu en décembre 2001, a été retrouvé, le 2 avril, dans une forêt de la région. Un responsable du journal à Moscou a indiqué que le journaliste avait été assassiné. Le journaliste était connu pour ses enquêtes sur les milieux criminels et la corruption. Le 31 mars, Valéri Batouev, journaliste à l'hebdomadaire Moskovskie Novosti, reporter spécialiste de la question tchétchène, a été, lui aussi, assassiné à son domicile de Moscou. Un suspect a été arrêté. Le mobile du meurtre ne serait pas lié à l'activité professionnelle du journaliste. Le 8 mars 2002, Natalia Skryl, journaliste pour la section économique du journal Nashe Vremia à Rostov-sur-le-Don (sud-ouest du pays) a été tuée aux abords de son domicile à Taganrog. Vera Ioujanskaïa, rédactrice en chef du journal, estime que le meurtre est lié à l'activité professionnelle de la journaliste qui enquêtait sur les activités de grandes entreprises de la région. Le 11 mars, Sergueï Solovkin correspondant pour le bihebdomadaire Novaya Gazeta à Sotchi, ainsi que son épouse, ont fait l'objet d'une tentative de meurtre. Sergueï Solovkin avait récemment publié des enquête sur la corruption dans la région de Krasnodar.
Par ailleurs, une enquête judiciaire a été ouverte, le 30 mars, à l'encontre de Igor Zotov, rédacteur en chef du quotidien Nezavissimaïa Gazeta, propriété de l'homme d'affaires Boris Berezovski. Il est poursuivi pour la publication d'un article "diffamatoire" envers une juge de Moscou. La rédaction du journal a estimé que ces poursuites s'apparentaient au harcèlement qui avait visé, en 2001, Evgueni Kisselev, le directeur de la chaîne de télévision TV 6. La chaîne était le fleuron du groupe Berezovski avant que sa licence ne soit réattribuée à des journalistes ayant fait alliance avec des proches du Kremlin. Le président du fonds de défense des droits des médias Glasnost, Alexeï Simonov, a estimé que l'action visant Nezavissimaïa Gazeta montrait que "les autorités continuent à purger le secteur de l'information" et que "cette décision vise à rappeler à tous les journalistes qu'il s'agit de réfléchir très soigneusement avant de dire ou d'écrire quoi que ce soit". En février, le journal Novaya Gazeta avait été condamné à payer 30 millions de roubles (1 098 348 d'euros) de dommages et intérêts pour diffamation après la publication d'un article accusant un responsable local de corruption.
RSF rappelle que le journaliste Grigory Pasko, est toujours maintenu en détention, suite à une nouvelle condamnation prononcée, en décembre 2001, par le tribunal militaire de Vladivostok. Journaliste pour le quotidien de la marine Boevaya Vakhta, il avait déjà été emprisonné le 20 novembre 1997 et détenu près de vingt mois pour avoir "recueilli des secrets d'Etat dans le but de les transmettre à des organisations étrangères". Alors correspondant à bord du pétrolier russe TNT 27, Grigory Pasko avait filmé des scènes de déversement de déchets radioactifs liquides en mer du Japon. Ces images diffusées par la télévision japonaise NHK, sans l'accord du journaliste, avaient suscité de vives réactions au Japon. Grigory Pasko avait également écrit des articles sur la pollution entraînée par le quasi-abandon des sous-marins nucléaires de l'armée russe et l'implication du FSB dans un trafic de déchets nucléaires.
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20.01.2016