Reporters sans frontières attend des explications des autorités de l'État de Guerrero, accusées d'avoir failli dans les enquêtes sur les assassinats de deux journalistes
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Reporters sans frontières attend des explications des autorités gouvernementales et judiciaires de l'État de Guerrero (Sud-Est), après la publication de rapports accablants concernant les enquêtes sur les assassinats, dans cet État, d'Amado Ramírez et Misael Tamayo Hernández. Le premier, correspondant de la chaîne privée nationale Televisa à Acapulco, a été tué dans cette ville le 6 avril 2007. Le second, directeur du quotidien régional El Despertar de la Costa, retrouvé sans vie, le 10 novembre 2006, dans une chambre de motel à la sortie de la municipalité d'Ixtapa Zihuatanejo. Ces documents de la Commission nationale des droits de l'homme (CNDH) font état d'incroyables irrégularités dans la conduite des investigations.
“Les autorités de l'État de Guerrero auraient intérêt à répondre au plus vite aux sollicitudes et aux recommandations de la CNDH. Au mieux, le ministère public et la police du Guerrero sont coupables de laxisme et d'incompétence. Au pire, d'entrave délibérée à la justice qu'ils sont censés servir et représenter. Les autorités étaient-elles au courant des menaces qui pesaient sur la vie des journalistes ? Pourquoi ont-elles à ce point ignoré les liens possibles entre les assassinats et la profession des victimes ? Ont-elles quelque chose à cacher que les journalistes auraient découvert ou appris, dans une région où sévissent le narcotrafic et le crime organisé ? Les enquêtes administratives recommandées par la CNDH ne suffisent pas. La justice fédérale doit prendre le relais dans l'instruction des deux dossiers”, a déclaré Reporters sans frontières.
Dans son rapport du 14 janvier 2008, concernant l'affaire Amado Ramírez, la CNDH constate que la piste professionnelle a été négligée, alors que le journaliste avait reçu des menaces avant sa mort. Le ministère public de l'État de Guerrero a privilégié la piste personnelle, en fait une vengeance provoquée par une liaison adultère de la victime. Les rapports d'autopsie et les déclarations des témoins de l'assassinat ont fait l'objet de “manipulations”, selon la CNDH. Plus grave, les deux suspects arrêtés le 10 avril 2007, quatre jours après les faits, Leonel Bustos Muñoz et Genaro Vázquez Durán, ont fait l'objet d'“actes de torture physique et psychologique” destinés à leur extorquer des aveux. Le 2 juin, la police a remis Leonel Bustos Muñoz en liberté mais gardé en prison Genaro Vázquez Durán, pourtant disculpé, le 14 novembre, par Salvador Cabrera, l'un des témoins du crime. Ce dernier s'est d'ailleurs plaint d'avoir subi des pressions des fonctionnaires du parquet. Dans ses recommandations, la CNDH a demandé l'ouverture d'une enquête administrative concernant cinq agents du ministère public et les effectifs de la police ministérielle (de l'État) mobilisés dans ce dossier.
Le rapport de la CNDH sur le cas de Misael Tamayo Hernández, transmis le 30 décembre 2007, conclut que l'enquête s'est déroulée de manière “irrégulière” et “déficiente”. La police n'a toujours pas procédé aux auditions des proches de la victime ni à l'analyse d'indices, tels que les appels téléphoniques passés par le journaliste juste avant sa disparition - sur une route reliant les États du Guerrero et du Michoacán -, ou les paiements effectués après avec sa carte de crédit. Là encore, la CNDH a recommandé une enquête interne au sein du ministère public et de la police.
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Updated on
20.01.2016