Pologne : Lettre ouverte au conseil des Affaires générales et aux Etats membres

Reporters sans frontières (RSF), Amnesty International, la FIDH (Fédération internationale des droits de l'homme), Human Right Watch et l'AEDH (Association européenne de défense des droits humains) appellent les Etats membres à agir pour sauvegarder l'Etat de droit, la liberté de la presse et les droits de l'homme en Pologne.

Bruxelles, le 22 septembre 2017,


Lettre ouverte au Conseil des Affaires générales et aux États membres concernant la situation en Pologne


Madame la Ministre, Monsieur le Ministre,


Le 25 septembre prochain, le Conseil des Affaires générales débattra de la situation en Pologne pour la deuxième fois cette année. Nous vous écrivons pour vous rappeler nos préoccupations et vous demander de protéger l’Etat de droit et les droits de l'homme en Pologne.


Malgré les avertissements répétés de la Commission européenne, d'autres organismes internationaux et des organisations de la société civile, le gouvernement polonais a continué à porter atteinte à l‘Etat de droit, à renforcer son emprise sur les médias et à faire reculer les droits de l'homme ces derniers mois. Ces actions contreviennent aux principes fondateurs de l'Union européenne (UE) énoncés à l'article 2 du Traité sur l'Union européenne (TUE) et justifient une réaction ferme et rapide de toutes les institutions de l'UE et des États membres. Nous vous demandons donc lors de la réunion du Conseil des Affaires générales et lors de vos prises de parole publiques de vous élever contre cette situation et de soutenir les efforts de la Commission européenne de porter l’affaire devant le Conseil en vertu de l'article 7 (1) du TUE.


Lors de sa réunion du 16 mai, le Conseil a soutenu la détermination de la Commission à poursuivre son dialogue avec le gouvernement polonais dans le but de renforcer l'Etat de droit et de trouver une solution concrète aux problèmes identifiés avec les autorités polonaises. Cependant, aucun progrès n'a été réalisé depuis. Au contraire, les autorités polonaises ont continué à agir au mépris total des recommandations de la Commission, et ont introduit de nouvelles réformes qui portent atteinte à l'indépendance du pouvoir judiciaire polonais.


Comme nous l'avons déjà souligné dans une lettre du 15 mai, les changements qui portent sur le Tribunal constitutionnel et le pouvoir judiciaire font partie d'une attaque systémique beaucoup plus large qui –depuis l’arrivée au pouvoir du PiS en octobre 2015 -porte atteinte au respect des droits de l'homme en Pologne. Les prérogatives de l’exécutif ont été largement élargies au détriment d'autres institutions, compromettant la séparation des pouvoirs, un élément essentiel de l’Etat de droit. Les réformes ont également limité la liberté des médias, la liberté d'expression et de réunion, le droit d'asile, le droit à la vie privée et les droits sexuels et reproductifs des femmes.


Aujourd’hui, on évoque de nouveaux projets de lois que le Parlement pourrait adopter d'ici la fin de l'année et qui entraveraient l'indépendance des médias ou limiteraient l'accès des ONG à des financements indépendants.

Bien que ces projets aient été très mal accueillis par la société civile, la réaction du gouvernement face à ces mouvements de protestation témoigne de sa volonté de faire taire les critiques.


Dans ce contexte, nous nous félicitons de la décision de la Commission d'étendre son examen à des sujets tels que l'indépendance de la magistrature et d’avoir engagé le 28 juillet dernier une procédure d'infraction contre une des réformes judiciaires mises en place par le pouvoir polonais.


Nous partageons l’avis de la Commission selon lequel le dialogue avec

les autorités polonaises dans le cadre de l'Etat de droit a atteint un point de rupture et soutenons sa volonté d'utiliser tous les outils dont elle dispose pour assurer que cet Etat membre respecte les obligations qui lui incombent en vertu des traités.


Nous demandons donc au Conseil de soutenir la Commission et le Parlement européen et de faire en sorte que le gouvernement polonais soit tenu responsable du non-respect des obligations qui lui incombent en vertu des traités. Il est essentiel que les trois institutions forment un front uni pour défendre les principes fondateurs de l'Union européenne et pour soutenir le peuple polonais.


Le Conseil devrait exprimer un soutien clair à la Commission pour qu’elle lance la procédure prévue à l'article 7 (1) du TUE, afin que la question soit officiellement inscrite à l'ordre du jour du Conseil. Il est temps que le Conseil adopte une position officielle sur la question de l’Etat de droit et des atteintes aux droits de l'homme en Pologne et exhorte clairement les autorités polonaises à respecter les principes énoncés à l'article 2 du TUE, tel que cela est demandé à tous les États membres.


Dans l’attente de votre réponse, Madame la Ministre, Monsieur le Ministre, nous sommes à votre disposition pour vous fournir toute information que vous estimeriez nécessaire.


Respectueusement,


Reporters sans frontières (RSF)

AEDH (European Association for the Defence of Human Rights)

Amnesty International

FIDH (International Federation for Human Rights)

Human Rights Watch

Publié le
Updated on 22.09.2017