Le gouvernement birman, entre progrès et stagnation
Organisation :
Tandis que le 1er avril marquera le lancement de huit journaux privés, une première depuis plus de quarante ans, Reporters sans frontières s’inquiète du nouveau projet de loi sur l’impression et la publication, présenté le 4 mars 2013 au Parlement. Etabli sans consultation des associations de médias locaux, ce projet de loi contient des mentions liberticides pour la liberté de la presse.
Ce projet de loi prévoit en effet qu’une publication pourrait être déclarée “illégale” (Section 4 Acte 8) dans un certain nombre de cas, notamment sous des accusations aussi vagues que des “écrits dangereux pour la réconciliation nationale ou blessants pour les religions” (Section 3 Acte 7 A), “la perturbation de la primauté du droit” (Section 3 Acte 7 B), et la “violation de la Constitution et des autres lois existantes” (Section 3 Acte 7 E). L’acte 17 de la section 6 prévoit également que “nul ne pourra vendre, publier, imprimer, distribuer, exporter ou importer des journaux déclarés illégaux, en conformité avec l’Acte 8”. De lourdes peines sont prévues pour les journalistes contrevenants, jusqu’à six mois d’emprisonnement, assortis d’une amende pouvant atteindre 12 000 dollars pour une publication sans autorisation (Section 7 Acte 20).
“Nous félicitons le gouvernement birman pour l’avancée notable que constitue l’autorisation de publication pour les journaux privés, qui témoigne de la volonté des dirigeants de mettre un point final à la propagande militaire. En revanche, nous sommes inquiets des dispositions liberticides contenues dans le nouveau projet de loi sur l’impression et la publication. Le gouvernement doit renoncer à son projet, qui risque de mettre en péril les fragiles avancées que connait le pays depuis son ouverture en 2011. il est important qu’il collabore avec le Conseil de la Presse pour définir de nouvelles lois sur les médias, comme cela était initialement convenu”, a déclaré Reporters sans frontières.
Le journal gouvernemental The New Light of Myanmar a publié le 27 février 2013 le texte du nouveau projet de loi sur l’impression et la publication, rédigé par le gouvernement birman, qui aura pour but de remplacer la loi sur les imprimeurs et les éditeurs de 1962. Depuis le 4 mars, le projet est entre les mains du Parlement. Aucune association locale n’a été consultée ni n’a pu apporter de contribution. Les organisations nationales et internationales de défense de la liberté de la presse émettent de fortes critiques à son encontre.
Le directeur général des relations publiques du ministère de l’Information, Ye Tint, a déclaré le 4 mars : “Il n’y a aucune raison (que le projet de loi) affecte la liberté de la presse et des médias. Si aucune information ne concerne la sécurité de l’État, alors il n’y aura pas de problème.”
L’annonce de l’existence d’un tel projet de loi liberticide a décontenancé les milieux médiatiques birmans, qui avaient en aout 2012 formé, en accord avec les autorités, le Conseil de la Presse birman, composé de trente membres, dont dix étaient désignés par le gouvernement. Le ministre de l’Information et de la Communication, Aung Kyi, s’était engagé à ouvrir la loi sur les médias à la consultation. En signe de protestation, le Conseil de la Presse birman a annoncé entamer la rédaction de son propre projet de loi. De leur coté, dès le 1er mars, l’Association des Journalistes du Myanmar (MJA), le Réseau des Journalistes du Myanmar et l’Union des Journalistes du Myanmar ont tous publié un communiqué de presse condamnant le projet de loi gouvernemental.
Si ce projet de loi inquiète les professionnels des médias, des avancées considérables sont à souligner. Le 1er mars 2013, le Comité central de supervision de la presse a déclaré autoriser de façon temporaire la publication de huit journaux privés à compter du 1er avril prochain. Cette décision fait suite à l’annonce faite, le 22 décembre 202, par le ministère de l’Information, d’autoriser pour la première fois depuis 1962 la publication de journaux privés en langues diverses (le Publication Act de 1962 bannissait les langues ethniques des publications).
Le 22 décembre 2012, le ministère de l’Information avait annoncé que les journaux privés désireux d’être publiés pouvaient s’inscrire sur une liste à compter du 1er février. Sur les dix-sept journaux inscrits, quatorze ont été examinés, trois demeurent sous surveillance et huit seront publiés : Shwe Ngainngan, appartenant à Shwenainggan Media; Khit Moe; Union Daily, propriété du Union Solidarity Development Party; Empire; The Messenger; Breaking News Daily; Myanmar Newsweek Daily, de Ever Win Media, une propriété du docteur Tin Aung Khine, accompagnateur du président Thein Sein dans sa tournée européenne; et l’ancien groupe de médias en exil Mizzima.
Reporters sans frontières rappelle que la Birmanie a gagné 18 places au classement 2013 de la liberté de la presse, et se positionne au 151ème rang sur 179.
Photo : Ye Aung Thu / AFP
Publié le
Updated on
20.01.2016