L’inculpation du journaliste Abdelmajid Amyay révélatrice d’un climat liberticide au Maroc
Le procès du journaliste marocain Abdelmajid Amyay s’ouvre ce 19 octobre 2023 au tribunal d’Oujda. Après une garde à vue de plus de 24 heures, il a été remis en liberté sous caution, et inculpé pour diffamation envers le wali (préfet) de la région de l’oriental marocain. Reporters sans frontières (RSF) appelle les autorités marocaines à abandonner toutes les charges contre le directeur de l’information du média Chamspost.
C’est dans un café, à Oujda au nord-est du Maroc, que le journaliste Abdelmajid Amyay a été arrêté le 5 octobre dernier. Le directeur de la publication du site en ligne généraliste Chamspost, est aussitôt conduit au siège de la préfecture de police de la ville pour y être interrogé. Ses avocats, Mourad Zibouh, Mohamed El Ayadi, Mourad Mokhtar et Zakaria Souidi ont mis des heures avant de pouvoir lui rendre visite.
Ancien correspondant régional du journal Akhbar El Youm, aujourd’hui disparu, Abdelmajid Amyay est poursuivi sur la base des articles 447-2 du Code pénal prévoyant une peine de 6 mois à 3 ans de prison pour la “diffamation et la diffusion ou la distribution d'informations relatives à la vie privée des gens sans leur consentement” et de l’art 263 du Code pénal punissant d’un mois à un an de prison “l'intention de porter atteinte à leur honneur, leur délicatesse ou au respect dû à leur autorité, l’outrage dans l'exercice de leurs fonctions… “.
Dans une publication Facebook, le journaliste Abdelmajid Amyay a partagé un fac-similé d’un article du quotidien national Al Ahdath intitulé “l’Escobar du Sahara” dans lequel le président du conseil de la région de l’Oriental est mis en cause pour des pratiques de corruption. Quelques jours auparavant, sans citer de noms, Abdelmajid Amyay avait également publié, sur le même réseau social, des contenus critiques à l'égard de la gestion de la région de l’Oriental. Le journaliste est poursuivi pour ces publications, selon son avocat, Mourad Mokhtari, à la suite d' une plainte déposée par le wali de la région d'Oujda, qui n’est pas lui-même visé par les posts Facebook.
“Il y a manifestement une interprétation outrancièrement élastique et liberticide des dispositions du Code pénal. Le journaliste Abdelmajid Amyay a fait preuve de prudence et de retenue dans ses posts critiques à l’égard de la gestion de l’Oriental, étant entendu que le partage de l’article d’un journal ne peut en aucun cas constituer un délit. Nous renouvelons nos appels au respect de la liberté d’expression qui est de plus en plus malmenée via un harcèlement judiciaire continu visant les esprits critiques et libres.
Dans une déclaration à RSF, Me Mokhtari affirme que “les poursuites engagées contre le journaliste Abdelmajid Amyay en raison de ses articles sur son blog constituent une régression par rapport aux derniers développements de la loi sur la presse et l'édition et une perpétuation du processus de restriction de la liberté de la presse au Maroc. Le collectif de défense considère que les poursuites sont invalides et maintient son innocence.”
Abdelmajid Amyay n’est pas le seul journaliste à subir actuellement des intimidations des autorités marocaines. Hanane Bakour, journaliste et ancienne rédactrice en chef du site d’informations AlYaoum24, est poursuivie pour diffamation par l’actuel Premier ministre Aziz Akhannouch pour des publications critiques sur sa page Facebook. Reporté onze fois depuis deux ans, son procès a été fixé au 11 décembre prochain au tribunal de première instance de Rabat-Salé.