Affaire Jean Dominique
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Dans une lettre, adressée au président Jean-Bertrand Aristide, Reporters sans frontières (RSF) a protesté contre le non-renouvellement du mandat du juge Gassant, en charge du dossier d'instruction sur le meurtre de Jean Dominique. Claudy Gassant a été remplacé par les juges Josua Agnant, Bernard Sainvil et Joachim Saint-Clair, le 23 janvier 2002. "L'assassinat de Jean Dominique et les multiples entraves au bon déroulement de l'enquête du juge Gassant sont un symbole de l'impunité qui règne en Haïti", a dénoncé Robert Ménard, secrétaire général de RSF. "Le remplacement du juge Gassant ne laisse quasiment plus aucun espoir de connaître la vérité, du moins tant que les autorités continueront d'entraver l'enquête", a-t-il ajouté. RSF a par ailleurs salué le professionnalisme et le sérieux dont le juge Gassant a fait preuve au cours de l'instruction, malgré les menaces et les pressions permanentes dont il a été l'objet. La veuve de Jean-Dominique, Michèle Montas, ainsi que de nombreuses associations haïtiennes de journalistes, avaient réclamé la reconduction du mandat du juge Gassant.
Selon des informations recueillies par RSF, Claudy Gassant a été remplacé sur décision présidentielle par les juges Josua Agnant, Bertrand Sainvil et Joachim Saint-Clair, le 23 janvier 2002. Le juge Gassant se trouvait aux Etats-Unis depuis le 9 janvier. Le 4 janvier, le mandat du juge Gassant arrivait à terme. Claudy Gassant avait remplacé le juge Jean Sénat Fleury, en septembre 2000, après que ce dernier s'était retiré pour des raisons de sécurité.
Le bon déroulement de l'enquête par Claudy Gassant a été en permanence contrarié. La désignation par le magistrat du sénateur Dany Toussaint, membre des Fanmi Lalavas, comme principal suspect, avait valu au juge Gassant de nombreuses menaces de la part d'organisations populaires. Par ailleurs, plusieurs témoins de l'assassinat de Jean Dominique sont morts dans des circonstances suspectes, qui mettent directement en cause la police et les autorités haïtiennes. Le juge Gassant a également dû mener son enquête sous la pression permanente d'intimidations policières. La dernière d'une longue liste remonte au
21 décembre 2001, lorsqu'un véhicule de la sécurité du palais présidentiel a délibérément embouti la voiture du juge. Les policiers étaient ensuite descendus de leur véhicule et avaient mis en joue le magistrat. Dans un rapport publié le 2 avril 2001, RSF dénonçait le fait que l'enquête a failli être étouffée à plusieurs reprises. En juin 2000, Jean Wilner Lalanne, soupçonné d'avoir servi d'intermédiaire entre les commanditaires et les exécutants, était mort dans des circonstances douteuses après son arrestation. En janvier 2001, le juge s'était heurté à l'opposition du Sénat lorsqu'il avait demandé à entendre le sénateur Dany Toussaint comme témoin.
Le 3 avril 2000, Jean Dominique était abattu dans la cour de sa station, Radio Haïti Inter. Connu pour son indépendance de ton, le journaliste critiquait aussi bien les anciens duvaliéristes et les militaires, que les grandes familles de la bourgeoisie ou, plus récemment, ceux qu'il soupçonnait, au sein de Fanmi Lavalas, le parti du président Jean-Bertrand Aristide, de vouloir "détourner ce mouvement de ses principes".
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Updated on
20.01.2016