Un an après l'assassinat, le 7 juillet 2001, du journaliste Parmenio Medina, Reporters sans frontières et le réseau Damoclès sont préoccupées alors que, malgré les moyens mobilisés, le ou les commanditaires du meurtre du journaliste n'ont pas été arrêtés à ce jour. Les deux organisations lancent une campagne de mobilisation dans la presse costaricienne.
Un an après l'assassinat, le 7 juillet 2001, du journaliste Parmenio Medina (photo, cr. La Nación), animateur de l'émission "La Patada" sur Radio Monumental, Reporters sans frontières et le réseau Damoclès sont préoccupées alors que le ou les commanditaires du meurtre du journaliste n'ont pas été arrêtés à ce jour. "Tolérer l'impunité, ce serait accepter ou, du moins, prendre le risque que les crimes contre les journalistes se reproduisent", ont expliqué les deux organisations dans une lettre adressée au président Abel Pacheco. "Cet acte lâche doit rester une exception dans l'histoire de la presse du Costa Rica", ont-elles ajouté, rappelant que la mort de Parmenio Medina avait été interprétée comme un avertissement par l'ensemble des journalistes d'investigation costariciens.
Reporters sans frontières et le réseau Damoclès, dont un représentant s'est rendu récemment à San José, ont cependant pu constater qu'une enquête approfondie et sérieuse était menée par le parquet et la police judiciaire. Les auteurs du crime auraient été identifiés mais les enquêteurs ne disposeraient pas des preuves nécessaires pour pouvoir procéder à des arrestations. Ayant constaté que "d'importants moyens" avaient été mis à la disposition des enquêteurs, Robert Ménard, secrétaire général de Reporters sans frontières, et Jean-Pierre Getti, vice-président du réseau Damoclès, ont demandé au Président "de continuer à tout mettre en œuvre pour que les assassins soient jugés et punis".
Enfin, à l'occasion de l'anniversaire de l'assassinat du journaliste, Reporters sans frontières et le réseau Damoclès ont lancé une campagne de mobilisation dans plusieurs titres de la presse costaricienne. Celle-ci présente une photo du journaliste avec la légende : "Un an déjà. Ne laissons pas l'oubli assassiner une deuxième fois Parmenio Medina". L'expérience démontre que la mobilisation constante de la société civile et la solidarité dont font preuve les médias sont des conditions indispensables pour que justice soit rendue et que l'impunité ne prenne racine.
Etat de l'enquête sur un assassinat qui a choqué le Costa Rica
Le 7 juillet 2001, Parmenio Medina, célèbre animateur d'une émission satirique intitulée "La Patada" ("le coup de pied"), sur Radio Monumental, a été assassiné à proximité de son domicile, situé à une dizaine de kilomètres de San José, la capitale. Un inconnu a tiré à plusieurs reprises sur le journaliste avant de prendre la fuite. Ce meurtre, le premier assassinat mafieux d'une personnalité depuis longtemps dans ce petit pays sans armée, a provoqué une profonde émotion. "Le Costa Rica est blessé", avait déclaré le président Miguel Angel Rodríguez au lendemain de sa mort. Des organisations de la société civile se mobilisent régulièrement pour demander justice.
L'enquête a été confiée au parquet de Heredia. Un représentant de Reporters sans frontières et du réseau Damoclès, qui s'est rendu à San José début juin, a pu constater que des moyens importants ont été affectés à l'enquête. Un an après, cinq enquêteurs de la police judiciaire et deux spécialistes des affaires criminelles sont toujours à la disposition de la juge Leda Méndez, en charge du dossier. En un an, cent cinquante personnes ont été entendues par les enquêteurs et une vingtaine d'analyses de preuves ont été réalisées.
Citant des sources judiciaires, les chaînes de télévision Canal 6 et Canal 7 ont annoncé le 25 juin que le journaliste aurait été abattu par quatre délinquants, et non par des professionnels. Interrogé par le quotidien La Nación, Gerardo Láscarez, directeur intérimaire de la police judiciaire, a déclaré que la méthode utilisée était la même que celle des voleurs de voitures. Selon les deux chaînes de télévision, deux des tueurs présumés auraient été arrêtés pour des délits postérieurs à l'assassinat du journaliste, le troisième serait mort au cours de l'attaque d'une banque et le quatrième serait toujours en fuite. Les quatre délinquants auraient touché la somme de dix millions de colones (environs 27 000 euros). Néanmoins, les enquêteurs gardent la plus grande réserve sur leur identité et celle du ou des commanditaires supposés, faute de preuves.
Parmenio Medina et Radio María de Guadalupe
Dans "La Patada", Parmenio Medina dénonçait régulièrement des affaires de corruption en les mettant en scène de façon satirique grâce à une équipe d'imitateurs. Le journaliste avait ainsi de nombreux ennemis potentiels. Les mois précédant sa mort, il avait dénoncé à plusieurs reprises des irrégularités présumées dans la gestion de la radio catholique Radio María de Guadalupe. Il s'interrogeait notamment sur l'origine des dons reçus par la radio et le rôle exact de l'homme d'affaires Omar Chávez au sein de celle-ci. Il avait de plus révélé avoir vu le prêtre Mínor Calvo, fondateur de la station catholique, en compagnie d'un jeune homme dans un parc fréquenté par des homosexuels.
En mai 2001, suite à de nouvelles révélations de "La Patada" sur le fondateur de Radio María de Guadalupe, Parmedio Medina avait reçu des menaces. Le 9 mai, des inconnus avaient tiré sur la façade de sa maison. Il avait alors bénéficié d'une protection policière qui avait pris fin début juin, à sa demande. Dans un premier temps, les menaces de poursuites judiciaires brandies par le prêtre et les pressions exercées par des annonceurs avaient conduit la direction de Radio Monumental à ne pas diffuser l'enregistrement au contenu polémique. Mais, suite à un recours présenté par le journaliste, la justice costaricienne avait ordonné à la radio de diffuser l'émission. D'origine colombienne, Parmenio Medina s'était installé au Costa Rica en 1969 et animait "La Patada" depuis vingt-huit ans.
Une campagne contre l'impunité
A l'occasion du premier anniversaire de l'assassinat du journaliste, Reporters sans frontières et le réseau Damoclès ont proposé à la presse costaricienne de publier une campagne contre l'oubli. Celle-ci sera diffusée par les quotidiens La Nación, Al Día, La Prensa Libre, La República, et les hebdomadaires Semanario Universidad et The Tico Times. Ces journaux souhaitent ainsi se montrer solidaires face à un événement qui n'est pas seulement l'affaire de la famille de la victime, mais pourrait menacer la liberté de la presse et l'ensemble des médias au Costa Rica s'il restait impuni.