Affaire NewsClick en Inde : RSF et le collectif d’avocats Guernica 37 demandent à l'Union européenne de sanctionner des responsables de la police de Delhi

Reporters sans frontières (RSF) et Guernica 37 Chambers appellent l'Union européenne à sanctionner quatre haut gradés de la police de Delhi, responsables – directement ou indirectement – d'exactions envers des dizaines de journalistes travaillant ou ayant collaboré avec le média indépendant NewsClick.

Le raid arbitraire de la police indienne contre les journalistes du média indépendant en ligne Newsclick ne doit pas rester sans conséquences. RSF et des avocats de Guernica 37 Chambers, spécialisé dans les droits de l'homme et le droit pénal international, ont soumis le cas au Service européen pour l'action extérieure (le service diplomatique de l'Union européenne). Les deux organisations ont appelé les États membres à adopter des sanctions contre quatre responsables de la cellule de la police de Delhi spécialisée dans la lutte contre le terrorisme, impliqués dans une répression inédite de journalistes dans le pays.

Sur leurs ordres, les membres de cette cellule spéciale ont perquisitionné en octobre 2023 les domiciles de 46 journalistes dans la capitale et les villes alentour. Tous étaient journalistes, collaborateurs, ou anciens employés de NewsClick, média indépendant créé en 2009.  Plus de 480 appareils électroniques – tels que des téléphones et des ordinateurs portables – ont été saisis. Deux membres du média – le directeur des ressources humaines, Amit Chakravarty, et le fondateur de NewsClick, Prabir Purkayastha – ont été placés en garde à vue et inculpés sous la loi antiterroriste draconienne UAPA (Unlawful Activities Prevention Act). Ils sont depuis détenus à la prison de Tihar à Delhi. 

RSF et Guernica 37 appellent à des sanctions européennes contre ces policiers, en vertu d’un dispositif mis en place en décembre 2020 pour lutter contre les violations graves des droits de l'homme dans les pays tiers. Ces sanctions peuvent aller de l’interdiction de pénétrer dans l’Union européenne au gel des avoirs sur ce territoire, et à l'interdiction de faire des affaires avec des entités européennes.

"Les actions de la cellule spéciale de la police de Delhi contre les journalistes associés à NewsClick représentent l’une des attaques les plus flagrantes contre la liberté de la presse en Inde. Ces raids, menés à une échelle sans précédent, avec le déploiement de 500 policiers, constituent une étape alarmante dans un contexte déjà inquiétant de répression des journalistes. Ces exactions visant à instiller la terreur nécessitent une action urgente de la part de l'Union européenne. Il s’agirait d’un acte fort pour alerter la communauté internationale sur la répression inadmissible des journalistes, et d’un avertissement nécessaire aux autorités indiennes à l’approche des élections générales.

Célia Mercier
Responsable du bureau Asie du Sud de RSF

Accusée par cette unité spécialisée de recevoir des financements chinois illégaux, la rédaction de Newsclick est surtout visée pour ses enquêtes. Plusieurs journalistes ciblés par les perquisitions avaient enquêté sur des fraudes présumées commises par le conglomérat Adani, dont le président est considéré comme proche de l’actuel Premier ministre Narendra Modi. D'autres reporters semblent avoir été visés pour leur couverture des manifestations des agriculteurs entre 2020 et 2021.

La cellule spéciale de la police de Delhi, placée sous le contrôle direct du ministère de l'Intérieur dirigé par Amit Shah, est régulièrement utilisée pour intimider des voix critiques du gouvernement – ce fut notamment le cas lors des manifestations étudiantes de 2020 avec plusieurs arrestations de militants qui protestaient contre la réforme controversée de la loi sur la citoyenneté (Citizenship Amendment Act (CAA).

"La cellule spéciale de la police de Delhi semble être l'un des organes les plus utilisés par le gouvernement indien pour cibler les voix critiques, y compris les journalistes. Sa spécialité est d'utiliser la législation antiterroriste UAPA pour cibler les dissidents. Les Nations unies et de nombreux gouvernements étrangers ont averti que la loi UAPA était propice à être utilisée à mauvais escient par les autorités."

Toby Cadman, avocat et fondateur de Guernica 37 Chambers

La liberté de la presse est constamment mise à mal en Inde depuis l’arrivée au pouvoir de Narendra Modi. En 2023, l'Inde a encore perdu 11 places dans le Classement mondial de la liberté de la presse de RSF pour atteindre la pire position de son histoire, soit 161e/180, contre 133e en 2016.

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