Les autorités égyptiennes doivent libérer immédiatement les quatre journalistes de Mada Masr

Quatre journalistes de la publication égyptienne indépendante Mada Masr sont détenus pour interrogatoire par le procureur général de Rehab, au Caire, à la suite d'une action en justice du Parti du futur de la nation, accusant la publication de “viser à déstabiliser la sécurité du pays”. RSF considère qu'il s'agit d'un développement extrêmement inquiétant contre l'une des dernières publications qui ne tombent pas sous le contrôle ou l'influence du gouvernement d'Abdel Fattah Al-Sissi

Mise à jour du 8/09/22 : Le procureur général a décidé de libérer les quatre journalistes de Mada Masr avec une caution de 20 000 livres (1 040 euros) pour la rédactrice en chef, Lina Atallah, et de 5 000 livres (260 euros) pour chacune des trois autres journalistes, Rana Mamdouh, Bissan Kassab et Sarah Seif Eddin.

 

“Nous exigeons la libération immédiate et inconditionnelle des quatre journalistes de Mada Masr détenus pour interrogatoire par la police égyptienne ce matin, déclare le bureau Moyen-Orient de RSF. Le harcèlement, l'intimidation et les arrestations incessantes de journalistes par le gouvernement en Égypte atteignent des sommets dangereux et doivent cesser. 

Le 6 septembre, la cour d'appel du Caire a envoyé des convocations à Lina Attalah, directrice de Mada Masr, et aux journalistes Rana Mamdouh, Sara Seif Eddin et Beesan Kassab pour un interrogatoire le lendemain. Les quatre journalistes se sont présentées au bureau du procureur général de Rehab, au Caire ce mercredi matin pour l’interrogatoire, accompagnées par leur avocat et un représentant du syndicat des journalistes. Elles y sont toujours au moment de la publication de cet article.

Leur convocation fait suite à des dizaines de plaintes déposées par plusieurs membres du Parti du futur de la nation le 1er septembre, accusant les journalistes de Mada Masr notamment de publier de “fausses nouvelles”. Le 6 septembre, Mada Masr avait demandé au Syndicat des journalistes qu'un représentant du conseil d'administration soit présent lors des interrogatoires. 

Dans une déclaration publiée sur son site web, Mada Masr a considéré la convocation comme un développement attendu, cohérent avec la pression importante à laquelle les journalistes travaillant en Égypte ont été soumis ces dernières années : 

“Nous regrettons également que le parti politique majoritaire en Égypte, connu pour être proche du pouvoir, utilise de telles tactiques pour intimider un organe de presse qui agit au nom de l'intérêt public.”

Le noms de trois des journalistes convoquées çfiguraient dans la manchette de l'édition du 31 août du bulletin d'information de Mada Masr. Leur article en arabe révélait que des membres du Parti du Futur de la Nation étaient impliqués dans de “graves violations financières” qui “devraient entraîner leur retrait de la scène politique”. 

Le parti a réagi en publiant une déclaration le 1er septembre, accusant Mada Masr d'employer “des tactiques louches et non professionnelles pour déstabiliser la sécurité du pays”. Il a également déclaré que le parti allait engager une action en justice pour obtenir "une compensation pour les dommages subis par les membres du parti".

Ce n'est pas la première fois que les autorités harcèlent le journaliste de Mada Masr, l'une des dernières publications médiatiques en Égypte qui ne sont pas sous le contrôle ou l'influence directe de l'État. Depuis Juin 2013, en plein milieu des manifestations populaires, Mada Masr publiait des articles sur l'Égypte post-révolution. En novembre 2019, les bureaux de la publication ont été perquisitionnés, le personnel a été retenu pendant plusieurs heures et quatre journalistes et rédacteurs ont été arrêtés. Ils ont tous été relâchés par la suite. En mai 2020, la rédactrice en chef Lina Attalah a été arrêtée, puis relâchée le même jour.  

Le site web de Mada Masr est également bloqué Égypte depuis 2017, aux côtés de 500 sites Internet qui ont été rendus inaccessibles dans le pays, y compris celui de RSF.

En Égypte, toute arrestation d'un journaliste peut se transformer en un emprisonnement de longue durée, dans un climat de plus en plus terrifiant pour les professionnels des médias qui osent critiquer l'État. 

Plus de 23 journalistes sont actuellement emprisonnés par Abdel Fattah Al-Sissi, dans des conditions atroces. Au moins la moitié de ces journalistes sont en détention provisoire. Ils sont presque tous accusés de "diffusion de fausses nouvelles", entre autres charges. Parmi eux, les blogueurs Mohamed “Oxygen” et Alaa Abdel Fattah condamnés en décembre 2021 à 4 et 5 ans de prison pour “appartenance à un groupe terroriste” et “diffusion de fausses informations”. Alaa Abdel Fattah est en grève de la faim depuis le 2 avril 2022. 

Le 29 Août, la cour pénale a décidé de renouveler la détention du journaliste Tawfiq Ghanem, ancien rédacteur en chef d'Islam Online et d'Anadolu, emprisonné depuis le 21 mai 2021 pour "diffusion de fausses nouvelles" et "adhésion à un groupe interdit", et du journaliste d’Al Jazeera Rabie El-Sheikh. 

Le 6 septembre, le tribunal a allongé la détention provisoire du journaliste Hamdy Al-zaeem de 45 jours.  

À ceux-là s’ajoutent Alia Awad, photographe indépendante condamnée fin juin à 15 ans de prison pour des accusations de terrorisme remontant à 2013, mais aussi trois autres journalistes d’Al Jazeera Ahmed El-Nagdy, Bahaa Ed-Din Ibrahim, et Hesham Abdel Aziz en détention préventive depuis des durées allant d’un à trois ans pour “appartenance à un groupe terroriste” et “diffusion de fausses informations”.

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