Une première victoire pour le journaliste d’investigation au Monténégro
Après sept ans de procédure et 15 mois de détention provisoire, le journaliste enquêtant sur le crime organisé Jovo Martinovic a été blanchi par un tribunal du Monténégro. Reporters sans frontières (RSF) se félicite d’une victoire décisive pour la liberté de la presse qui doit être confirmée par la Cour suprême.
Mise à jour le 12 juillet 2023 : le reporter Jovo Martinovic est définitivement acquitté. Comme l’a demandé RSF, la Cour suprême du Monténégro a confirmé le verdict d’acquittement prononcé en appel en janvier dernier. Cette décision met fin à sept ans de cauchemar judiciaire pour le journaliste d’investigation accusé arbitrairement de trafic de drogue.
Jugé pour trafic de drogues en raison de ses contacts avec un mafieux – nécessaires pour l’enquête journalistique qu’il réalisait alors pour l’agence française CAPA –, le reporter Jovo Martinovic a été acquitté en appel. Le verdict reçu par le journaliste le 27 janvier est clair :
En plus de l’absence de preuves, “tous les témoins ont confirmé la défense de l’accusé [Jovo Martinovic], selon laquelle le seul objectif de la rencontre incriminée était le travail sur le documentaire susmentionné, et que ce travail sur le film était la raison pour laquelle le collaborateur – comme il l’a lui-même affirmé – était fréquemment en contact avec l’accusé”.
L’acquittement, qui sera probablement contesté par le procureur spécial, avec toutefois peu de chances de succès, deviendra définitif une fois confirmé par la Cour suprême.
“J’espère que l’issue positive de cette procédure aura un impact plus large sur la liberté de la presse au Monténégro et que les journalistes ne seront pas automatiquement traités comme des suspects s’ils enquêtent sur le crime organisé ou la corruption d’État ,” déclare Jovo Martinovic à RSF après l’annonce de son acquittement par la cour d’appel le 17 janvier dernier.
“Nous nous félicitons de la fin provisoire d’un cauchemar judiciaire et appelons la Cour suprême à confirmer cette première victoire pour le journalisme d’investigation au Monténégro. Fiers d’avoir été aux côtés de ce brillant et intègre journaliste, nous continuerons à plaider pour son acquittement définitif et à œuvrer à l’amélioration générale de la liberté de la presse dans le pays.
Le journaliste d’investigation est en procès depuis sept ans et a passé 15 mois en détention provisoire. En 2015, Jovo Martinovic a fait partie, tout comme ses deux sources, du groupe de 17 personnes arrêtées dans le cadre d’une opération internationale visant le crime organisé. Or, le reporter, récompensé en 2018 par le Prix Peter Mackler pour le courage et l’éthique journalistique, a toujours soutenu qu’il n’avait été en contact avec les gangs que pour obtenir des informations pour sa mission de journaliste dans l’intérêt général.
“Cette procédure m’a coûté beaucoup de temps, m'a épuisé et empêché de travailler librement. Elle peut être comparée à une procédure-bâillon, mais avec des conséquences plus graves,” dit-il aujourd’hui.
Jovo Martinovic a été condamné à de la prison ferme, en 2018 et 2020, avant qu’une instance judiciaire supérieure ne casse le verdict pour absence de preuves. Convaincue de son innocence depuis le début, RSF a plaidé pour son acquittement. L’organisation a alerté sur le manque d’indépendance de la justice monténégrine et a dénoncé l'incompatibilité du harcèlement judiciaire d’un journaliste avec l’ambition du Monténégro de rejoindre l’Union européenne.
Le Monténégro figure à la 63e place sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2022.