Reporters sans frontières a interpellé les autorités roumaines pour que cesse l'offensive qu'elles orchestrent contre les médias, auxquels elles reprochent de renvoyer une mauvaise image du pays et de mener une "guerre de l'information" contre la Roumanie.
Reporters sans frontières interpelle le président de la République, Ion Iliescu, et le premier ministre, Adrian Nastase pour que cesse l'offensive antimédias orchestrée dernièrement par les autorités roumaines. Ces dernières accusent la presse de renvoyer une mauvaise image du pays et de mener une "guerre de l'information" contre la Roumanie.
"Cette violente campagne antimédias ternit l'image de la Roumanie bien plus que la couverture des réalités du pays par les médias nationaux et internationaux. Le simple fait de vouloir organiser un contrôle des réactions des médias par le ministère de la Défense ne peut que renforcer les réserves des observateurs à l'égard de la capacité de la Roumanie à se rapprocher des organisations euro-atlantiques. Nous vous rappelons que le respect de la liberté de la presse et des libertés fondamentales est une des conditions d'adhésion à ces organisations et vous demandons de tout mettre en œuvre pour que les journalistes puissent exercer librement leur droit d'informer", a déclaré Robert Ménard, secrétaire général de l'organisation.
Le 28 mai, le quotidien Jurnalul National, a publié un document portant l'en-tête du Conseil suprême de la Défense (CSAT), intitulé "Stratégie visant à contrecarrer les attaques à l'encontre de la Roumanie", qui accuse la presse de "porter atteinte à l'image du pays" et d'accorder une "attention excessive aux affaires liées à la corruption, au trafic des êtres humains ou aux adoptions internationales". Selon les extraits parus dans la presse, "le gouvernement doit détecter les sites et les réseaux hostiles et agir contre eux, en utilisant des technologies performantes". Le texte propose de créer un système national pour combattre les attaques contre l'image de la Roumanie auquel participeraient le CSAT, tous les ministères et les agences gouvernementales (dont les services secrets), et de mettre en place un "Centre national de contrôle des réactions des médias" géré par le conseiller présidentiel pour la sécurité nationale et ancien directeur de l'agence de renseignements extérieurs, Ioan Talpes.
Le Président roumain, Ion Iliescu, qui dirige le CSAT, a tout d'abord nié l'existence d'un "projet de stratégie", pour admettre ensuite qu'il devait être débattu par les autorités. Vasile Dincu, le ministre des informations publiques a affirmé pour sa part avoir "contribué à l'élaboration de cette stratégie", avant de se rétracter.
Dans les dernières semaines, les menaces et les pressions des autorités se sont multipliées sur les médias roumains et internationaux. Suite à la publication le 22 mai 2002, par Mirel Bran, correspondant du quotidien français Le Monde d'un article intitulé "La Roumanie est-elle prête à intégrer l'OTAN?", Serban Mihailescu, secrétaire général du gouvernement, a menacé de poursuivre le journaliste en justice et l'accuse par voie de presse d'être à la solde de groupes d'intérêts hostiles à la Roumanie. L'article, qui mentionnait le surnom donné au secrétaire, "Mickey le Bakchich", mettait en doute la capacité de ce pays à répondre aux critères d'adhésion à l'OTAN en raison des habitudes de corruption et de l'implantation de la police politique du régime communiste, l'ex-Securitate. Il faisait également état de menaces proférées contre des journalistes par Ion Mircea Pascu, le ministre de la Défense. Ce dernier s'était adressé aux journaux qui avaient repris un article du quotidien américain Wall Street Journal du 30 avril 2002 suggérant que l'OTAN se méfiait de la police secrète roumaine, en ces termes "La vie est trop courte pour être gaspillée avec des débats stressants".
Le 15 mai, le ministre des Affaires étrangères, Mircea Geoana, a adressé une lettre de protestation à la chaîne de télévision francophone TV5 qui avait diffusé, les 6 et 7 avril 2002, l'émission "24 heures à Bucarest" dans laquelle on pouvait voir des jeunes sans-abri vivant dans la gare de Bucarest ainsi que des enfants fouillant dans une poubelle de Petrosani (sud–ouest). Le ministre mettait en cause le "choix douteux" de certains sujets et regrettait que les images présentées n'aient "pas réussi à mettre en évidence la richesse culturelle de la Roumanie" et que le producteur ait refusé de réaliser une interview du premier ministre Adrian Nastase.
En outre, une loi qui restreint la liberté de la presse et qui est proposée par le ministre de la défense, Ioan Mircea Pascu, vient d'être adoptée par la Chambre des députés et doit être examinée par le Sénat. La loi sur le "droit de réponse" obligerait les médias à publier une "réponse" dans les trois jours suivant la publication d'un article ou d'un reportage, sous peine d'une amende allant de 3 à 100 millions de lei, soit jusqu'à 3 180 euros.