Un journaliste de Canal+ sommé de remettre ses images à des militants du Front national et un technicien de TF1 frappé par le service d'ordre de ce parti
En moins d'une semaine, le Front national s'est livré par trois fois à des actes d'intimidation contre des journalistes. RSF dénonce la véritable aversion de ce parti pour toute presse qui ose contester ses choix.
Reporters sans frontières (RSF) dénonce les pressions exercées par des militants du Front national à Nice, le mardi 30 avril, sur Jean-Luc Thomas, correspondant permanent de I-télévision et de Canal+, et l'agression par le service d'ordre du FN de Gabriel Gueguin, preneur de son de TF1, lors de la manifestation du 1er mai à Paris.
"En moins d'une semaine, le FN s'est livré par trois fois à des actes d'intimidation contre les médias. Mardi dernier, c'est un journaliste qui ne faisait rien d'autre que son travail, dans le respect des règles déontologiques, qui a été insulté, retenu et sommé de livrer ses images par des militants. Mercredi, c'était au tour d'un technicien d'être frappé alors qu'il défendait un collègue bousculé par le service d'ordre du Front national", a déclaré Robert Ménard, secrétaire général de Reporters sans frontières. "Les violences à l'encontre des journalistes ne se limitent pas à des accès de colère du candidat Le Pen. Elles sont l'expression de la véritable aversion de ce parti pour toute presse qui ose contester ses choix. Le Front national préfère la politique du coup de poing et de l'insulte au débat démocratique", a ajouté Robert Ménard.
D'après les informations recueillies par RSF, Jean-Luc Thomas, correspondant permanent de I-télévision et de Canal+ à Nice, a été retenu durant 1h30 le 30 avril dans les locaux départementaux du Front national par des militants qui voulaient visionner les images tournées le matin même et récupérer sa cassette. Jean-Luc Thomas avait été autorisé, le 29 avril, par Catherine Garcia, l'attachée de presse du Front National dans les Alpes-Maritimes, à réaliser un reportage sur les préparatifs de la manifestation du 1er mai par des militants du FN à Nice. Après avoir tourné des images le matin, dont une interview de Catherine Garcia, le journaliste est retourné, comme convenu, dans les locaux vers 15 heures. A son arrivée, Jean-Pierre Schenardi, secrétaire départemental et conseiller régional du Front national Alpes-Maritimes, l'a invectivé en le sommant de cesser son reportage et de lui montrer ce qu'il avait filmé. Entouré d'une dizaine de militants, Jean-Luc Thomas a refusé de s'exécuter et appelé son rédacteur en chef, Jean-Michel Fauveau, pour lui faire part de la situation. Jean-Pierre Schenardi a alors déclaré que le journaliste ne sortirait pas tant qu'il n'aurait pas remis la cassette. Le journaliste, refusant de céder, a été insulté et bloqué à l'intérieur des locaux, sans violence, par la présence de quatre personnes devant la porte et le rideau de fer de l'entrée baissé. Ayant finalement cédé, le journaliste a souhaité rejoindre sa voiture pour recharger sa caméra, afin de faire visionner ses images, mais s'est vu refuser de sortir avec son matériel. Jean-Luc Thomas n'a pu quitter les locaux qu'après avoir téléphoné à la police, par ailleurs déjà contactée par sa rédaction. Après avoir montré les images aux militants, en présence de la police, le journaliste a porté plainte.
Un membre du Front national présent au moment des faits a confirmé que Jean-Pierre Schenardi avait refusé que le tournage puisse continuer, qu'il avait demandé à voir les images et qu'il avait retenu le journaliste dans les locaux, invoquant le "droit à l'image". Le témoin a également justifié l'incident par le fait que Canal+ avait déjà "sali l'image du FN".
Entre outre, Gabriel Gueguin, preneur de son de TF1, a été frappé au visage par le service d'ordre du Front national, (DPS, Département service sécurité), le mercredi 1er mai, alors qu'il couvrait la manifestation du parti à Paris. Le technicien venait de protester contre le service d'ordre qui avait bousculé violemment son collègue cameraman. Gabriel Gueguin a également porté plainte.
Reporters sans frontières rappelle que, le vendredi 26 avril, une équipe de la chaîne de télévision Canal + a été brutalisée par le service d'ordre du Front national lors de la conférence de presse de Jean-Marie Le Pen, au siège du Front national à Saint-Cloud. Le journaliste John-Paul Lepers a été malmené et un technicien assistant, Yacine Ben Jannette, expulsé par la force.