Twitter et Elon Musk : les Etats-Unis doivent prendre leurs responsabilités

Les émois provoqués par l’annonce de l’achat de Twitter par Elon Musk soulignent le vide juridique américain sur la question des grandes plateformes. RSF appelle les Etats-Unis à se donner enfin les moyens de mettre en place des garanties démocratiques, à l’instar des premières bases que s’apprête à poser l’Union Européenne avec la Législation sur les services numériques (DSA).

Que fera Elon Musk, le prochain seigneur de Twitter, de sa nouvelle conquête ? Cette question suscite toutes les angoisses depuis que le conseil d'administration du réseau social a accepté l’offre de rachat proposée par le milliardaire américain Elon Musk, PDG de Space X, le 25 avril dernier. L’accord a jusqu’au 24 octobre pour être acté, et de vastes zones d’ombre demeurent sur l’étendue des changements que peut apporter Elon Musk. Ces doutes prospèrent dans le vide juridique américain, qui n’oppose ni contrôle démocratique et ni garantie au Far west économique et informationnel dans lequel les grandes plateformes évoluent.

RSF s’inquiète de potentielles menaces sur la liberté d’expression et le droit à l’accès à l’information causées par l’absence de cadre juridique américain, et demande à la Maison Blanche de prendre les mesures nécessaires pour mettre fin au chaos informationnel. Une loi encadrant les plateformes doit être portée par l’administration de Joe Biden, qui s’était montré très sensible à ce sujet durant sa campagne. A l’heure actuelle, la seule véritable loi américaine sur le sujet, connue sous le nom de section 230, considère encore les plateformes comme de simples hébergeurs de contenus.

Ce régime de responsabilité est totalement obsolète, estime Vincent Berthier, responsable du bureau technologies de RSF. Les algorithmes des plateformes et leurs politiques de modération prennent en charge des fonctions éditoriales de manière illégitime. Le rôle structurant des plateformes n’est plus à débattre et les garanties de transparence, de neutralité, de promotion d’une information fiable ne devraient plus être mendiées aux propriétaires mais imposées par des lois claires et fortes.

De l’autre côté de l’Atlantique, l’Union européenne vient de parvenir à un accord politique avec la Législation sur les services numériques (aussi appelée DSA), qui devrait donner prochainement naissance à un texte de loi, certes imparfait, mais qui a le mérite de reconnaître la responsabilité des plateformes dans les déséquilibres informationnels. Ce faisant, le texte leur imposera un certain nombre de contraintes pour les forcer à corriger leurs effets nocifs. Le DSA s’appliquera pour Twitter, comme pour les autres plateformes, mais seulement en Europe.

 

Un vide politique et juridique incompatible avec la responsabilité des Etats-Unis

Les Etats-Unis hébergent la plupart des grandes entreprises de la tech qui structurent physiquement et informatiquement l’espace informationnel mondial. Il incombe donc à cette puissance de réguler à la source les dysfonctionnements causés par les fleurons de leur industrie et de les encadrer de manière conforme aux principes démocratiques.

La Maison Blanche a publié la semaine dernière une “Déclaration sur l’avenir d’Internet” dans laquelle elle décrit notamment le rôle que jouent les grandes plateformes dans la visibilité de la désinformation, sans cependant appeler à la régulation de ces dernières. De la même manière, le texte occulte l’importance du journalisme dans la vie démocratique.

Il s’agit d’un manque très difficile à expliquer, renchérit Vincent Berthier. On ne peut pas rendre Internet plus démocratique en détournant le regard des entreprises américaines, qui organisent l’espace informationnel mondial.”

Cette déclaration manque d’une force juridique contraignante et ne vas pas assez loin, au contraire de la Déclaration sur l’Information et la démocratie, initiée par RSF qui vise explicitement les grandes plateformes et pose les bases de grands principes pour la gestion de l’espace informationnel démocratique comme la fiabilité de l’information, la transparence, la neutralité politique, idéologique, et religieuse.

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