Le 3 avril 2003 marque le troisième anniversaire de l'assassinat de Jean Dominique, directeur de Radio Haïti Inter. Après la publication d'une ordonnance de clôture d'enquête qui ne désigne aucun commanditaire, Reporters sans frontières appelle la société haïtienne à continuer de se mobiliser pour obtenir justice. Pour cela, l'organisation consacre son affiche mensuelle à cette affaire.
Le 3 avril 2003 marque le troisième anniversaire de l'assassinat de Jean Dominique, directeur de Radio Haïti Inter. Après la publication, le
21 mars dernier, d'une ordonnance de clôture d'enquête qui ne désigne aucun commanditaire et ne retient que l'inculpation de six exécutants déjà emprisonnés depuis plus de deux ans, Reporters sans frontières appelle l'ensemble de la société haïtienne à se mobiliser pour obtenir justice pour Jean Dominique.
Personne ne doit se satisfaire d'une justice qui ne répond pas à la principale question : qui a tué Jean Dominique ? Le départ en exil, après avoir été victime d'une tentative d'assassinat, de Michèle Montas, la veuve de Jean Dominique, puis la suspension par Radio Haïti Inter de ses émissions prouvent, malheureusement, que ce sont les assassins qui imposent leur loi en Haïti. Le départ en exil, en mai 2002, de sept membres de la famille du journaliste assassiné Brignol Lindor, qui avaient reçu des menaces, le confirme tristement.
Reporters sans frontières reste convaincue que, au-delà des familles des victimes, l'impunité dont bénéficient les assassins et agresseurs des journalistes est un message adressé à la presse pour ses critiques à l'encontre du gouvernement. Avec le départ en exil de vingt-neuf journalistes depuis trois ans, c'est le droit de la société haïtienne à être informée qui est en danger.
Pour maintenir la mobilisation nationale et internationale autour de l'affaire Jean Dominique, Reporters sans frontières a consacré son affiche mensuelle à l'anniversaire de l'assassinat du journaliste. Intitulée "En Haïti, les assassins font-ils la loi ?", cette affiche récapitule les principaux obstacles rencontrés par les enquêteurs avant de conclure "Ca suffit ! Justice pour Jean Dominique !" Cette affiche, bilingue français/anglais, est tirée à 3 500 exemplaires. Elle est distribuée auprès de nombreuses rédactions du monde entier et auprès des adhérents de Reporters sans frontières, pour la plupart des journalistes. Une diffusion spéciale est également prévue en Haïti.
Rappel des faits : une enquête marquée par de nombreux obstacles
Le 3 avril 2000, Jean Dominique, le journaliste et analyste politique haïtien le plus connu du pays, était abattu dans la cour de Radio Haïti Inter dont il était le directeur. Connu pour son indépendance de ton, Jean Dominique critiquait aussi bien les anciens duvaliéristes et les militaires que les grandes familles de la bourgeoisie ou ceux qu'il soupçonnait, au sein de Fanmi Lavalas, le parti du président Jean-Bertrand Aristide, de vouloir "détourner ce mouvement de ses principes".
En septembre 2000, l'enquête est confiée au juge Claudy Gassant. Son prédécesseur, le juge Jean-Sénat Fleury, avait demandé à être dessaisi du dossier après avoir reçu des menaces. Le 28 mai 2001, on apprend de sources judiciaires que le sénateur Dany Toussaint, de Fanmi Lavalas, le parti du président Aristide, a été inculpé. Le mandat du juge Gassant, qui prenait fin le 3 janvier 2002, n'a pas été immédiatement renouvelé par le président Aristide et le juge s'est alors réfugié aux Etats-Unis. Il avait subi de nombreuses pressions après avoir inculpé Dany Toussaint. Depuis juillet 2002, le dossier était entre les mains du juge Bernard Saint-Vil.
Depuis trois ans, pratiquement toutes les institutions de l'Etat ont fait obstacle à l'enquête. Le ministère de la Justice n'a jamais assuré de façon satisfaisante la sécurité du juge Gassant, pourtant menacé. La police a refusé d'exécuter des mandats d'arrêt. Elle est aussi soupçonnée d'avoir livré un important suspect à une foule de manifestants qui l'ont tué à coups de machette. Le Sénat s'est opposé à la levée de l'immunité parlementaire de l'un des siens, Dany Toussaint, pourtant considéré comme le principal suspect.
Le 25 décembre 2002, Michèle Montas, la veuve de Jean Dominique qui a repris la direction de la station, a été victime d'une tentative d'assassinat à son domicile, au cours de laquelle Maxime Séïde, l'un de ses gardes du corps, a été tué.
Le 21 février 2003, Michèle Montas a annoncé que Radio Haïti Inter cessait ses émissions en raison de nombreuses menaces reçues par le personnel de la radio : "Nous avons déjà perdu trois vies, nous refusons d'en perdre davantage". La directrice de Radio Haïti Inter a cependant précisé que la station ne fermera pas et que la décision de cesser les émissions est temporaire.
Le 21 mars, le juge Bernard Saint-Vil a publié son ordonnance de renvoi accompagnée de la liste des personnes inculpées pour la mort du journaliste. Six exécutants détenus depuis plus de deux ans restent formellement inculpés. En revanche, le sénateur Dany Toussaint et plusieurs de ses proches sont blanchis. Aucun commanditaire n'est désigné.