Slovaquie : les efforts du gouvernement pour renforcer la liberté de la presse minés par les attaques du vice-premier ministre
Si Reporters sans frontières (RSF) et ses partenaires se félicitent des excuses présentées par Igor Matovič pour ses récents commentaires, ils mettent en garde contre de telles attaques, qui compromettent les efforts du gouvernement pour améliorer le paysage de la liberté de la presse.
Les organisations internationales de journalistes et de défense de la liberté des médias soussignées expriment aujourd’hui leur consternation face aux récentes tentatives du vice-Premier ministre slovaque Igor Matovič de dénigrer les médias du territoire, et alertent sur le fait qu’elles minent les efforts du gouvernement pour améliorer la liberté de la presse dans le pays.
Ces dernières semaines, Igor Matovič, l’ex-Premier ministre et actuel ministre des Finances, a lancé de nombreuses attaques verbales contre les médias, dont des posts insultants sur Facebook qui ont personnellement dénigré le rédacteur en chef du journal Denník N, Matúš Kostolný, à propos d’un article d’opinion critique.
S’exprimant devant le Parlement, M. Matovič, qui dirige également le plus grand parti au pouvoir, a ensuite accusé des médias – sans les nommer – de corruption, et, lors d’un discours prononcé le 29 septembre dernier, il a de nouveau accusé la presse slovaque de “diffuser des mensonges”, puis a comparé leur journalisme à la propagande nazie.
Dépassant clairement les limites de la critique légitime, ces commentaires constituent des attaques inacceptables contre le journalisme indépendant, et elles ont été condamnées à juste titre. Nos organisations se félicitent de la déclaration du Premier ministre Eduard Heger défendant les journalistes, ainsi que de la critique des commentaires du ministre par neuf députés de son parti, OĽANO.
Nous soutenons également la déclaration commune forte publiée le 30 septembre dernier par 22 des principaux rédacteurs en chef du pays, qui ont condamné la rhétorique du ministre et refusé d’être contraints au silence pour avoir joué leur rôle de chien de garde public.
Si nous prenons bonne note des excuses adressées par Igor Matovič, le 3 octobre, “à tous les journalistes honnêtes”, celles-ci n'auront de crédibilité que si elles sont suivies d’effets. Nous demandons donc au ministre de s’abstenir de toute nouvelle accusation injustifiée envers la presse et de reconnaître que les personnalités publiques élues ont le devoir d’agir de manière responsable et d’être prêtes à accepter un niveau plus élevé d’examen public.
En cas de récidive, les attaques d’Igor Matovič mineraient les efforts du gouvernement de coalition pour améliorer la liberté de la presse dans le pays. Le Parlement a adopté d’importants projets de loi renforçant la protection de la confidentialité des sources journalistiques, et la transparence de la propriété et du financement des médias. Le ministère de la Justice a déposé des amendements visant à élargir le champ d’application de la loi sur la liberté d’information et à diminuer les peines de prison pour diffamation. Si la justice n’a pas encore été pleinement rendue pour l’assassinat, en 2018, du journaliste Ján Kuciak et de sa fiancée, les autorités slovaques chargées de l’application des lois poursuivent les cas de corruption signalés par des journalistes. Sur le plan international, la Slovaquie a œuvré en faveur d’une ambitieuse loi européenne sur la liberté des médias.
Nous espérons qu’à l’avenir, le gouvernement poursuivra ce programme de réforme et qu’il mettra fin à toutes les attaques verbales contre les médias. Nos organisations continueront à suivre la situation en Slovaquie dans les semaines et mois à venir.
Signataires :
International Press Institute (IPI)
Reporters sans frontières (RSF)
ARTICLE 19 Europe
Centre européen pour la liberté de la presse et des médias (ECPMF)
Fédération européenne des journalistes (FEJ)
Free Press Unlimited (FPU)
OBC Transeuropa (OBCT)