Cinq journalistes et deux collaborateurs des médias sont sortis libres, le 5 novembre, de la prison centrale de Katmandou. Accusés sans preuve de soutenir la guérilla maoïste, certains d'entre eux ont passé près d'un an en prison sans aucune forme de procès. La journaliste Mina Sharma a, quant à elle, été frappée lors des interrogatoires. Vingt-et-un journalistes sont toujours détenus au Népal.
Dans un e-mail reçu par Reporters sans frontières, Mina Sharma, directrice de la revue Solidarité, raconte les tortures qu'elle a subies lors de sa détention.
Après avoir été arrêtée, dans la matinée du 24 mai 2002, Mina Sharma est conduite dans un centre de détention pour les "suspects maoïstes". "J'ai été interrogée par des militaires. Ils m'ont torturée notamment avec des décharges électriques et des coups. Les soldats m'insultaient en permanence (…) Toute la journée, nous entendions le bruit des tortures et des coups de feu. Après cinq jours, ils ont amené Binod Tiwari, le codirecteur de ma revue, dans le même centre de détention. J'entendais ses cris quand ils l'ont torturé."
Quinze jours plus tard, Mina Sharma est transférée dans une caserne de l'armée royale du Népal. Les interrogatoires sur ses activités de journaliste reprennent.
"Ils m'ont demandé ce qu'est Solidarité. Je leur ai répondu : Un magazine."
_ Pourquoi vous travaillez dans cette revue ?
_ J'ai un diplôme de journalisme et je veux exercer ma profession.
_ Est-ce que c'est un journal maoïste ?
_ Non, c'est une publication indépendante."
Alors ils m'ont frappée avec une barre de fer et ont reposé les mêmes questions.
_ "Ce magazine est soutenu par les terroristes maoïstes. Pourquoi vous mentez ?
_ Non, je ne mens pas. Vous devez mieux vous renseigner."
Ils m'ont de nouveau frappée, notamment au visage, avec leurs bottes militaires. "Vous pouvez me tuer. Je n'ai rien d'autre à dire."
Ils m'ont montré de nouveau la liste des abonnés et des courriers du journal.
_ "Ils sont tous maoïstes.
_Certains sont peut être sympathisants, mais la plupart ne le sont pas."
Les soldats l'interrogent pendant plusieurs jours sur les activités de son mari, réfugié en Inde, et sur les articles publiés dans Solidarité. Pendant tout ce temps, elle a les yeux bandés et les mains attachées.
Après deux semaines, Mina Sharma est transférée dans un commissariat de Katmandou puis dans la prison pour femmes de la capitale. Quelques jours plus tard, elle reçoit la visite de sa famille, notamment ses deux enfants, âgés de 7 et 9 ans. "Mais je n'avais aucune possibilité de protester contre ma détention. La police renouvelait sur simple décision administrative ma détention. J'ai été libérée, le 5 novembre, suite aux pressions des organisations de journalistes népalaises et internationales. Je veux remercier le Comité de protection des journalistes, Reporters sans frontières, la Fédération internationale des journalistes, Amnesty international et toutes les organisations népalaises de défense des droits de l'homme", affirme Mina Sharma dans sa lettre. La journaliste souligne qu'elle doit maintenant mener un nouveau combat car les autorités ont fermé ses bureaux et confisqué ses ordinateurs et son fax.
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Reporters sans frontières se félicite de la libération de sept journalistes et collaborateurs des médias, notamment Mina Sharma, mais exige la remise en liberté des vingt-trois autres reporters toujours emprisonnés au Népal.
Selon les informations obtenues par Reporters sans frontières, les personnes libérées sont Ishwor Chandra Gyawali et Manarishi Dhital, respectivement directeur et employé du mensuel promaoïste Dishabodh, Deepak Sapkota, Dipendra Rokaya, Dhana Bahadur Thapa Magar, respectivement reporter, assistant de la rédaction, photo reporter de l'hebdomadaire promaoïste Janadesh, et Mina Sharma (épouse Tiwari), directrice du mensuel Aikyabaddata (Solidarité). Ils ont quitté libres, le 5 novembre en fin d'après-midi, la prison centrale de Katmandou où ils étaient détenus, certains depuis plus de six mois. Déjà, le 4 novembre, la police avait libéré Ram Bhakta Maharjan, opérateur de saisie pour l'hebdomadaire Janadesh.
Cette libération intervient suite à une large mobilisation de la Fédération des journalistes népalais qui avait obtenu de l'ancien Premier ministre, Sher Bahadur Deuba, la création d'une commission mixte pour négocier la libération des journalistes et enquêter sur les violations de la liberté de la presse.
Reporters sans frontières considère ces libérations comme un signe de bonne volonté de la part du nouveau gouvernement, mais regrette que les autorités aient attendu aussi longtemps avant de prendre cette décision alors qu'il n'existait aucune preuve de leur implication dans le mouvement armé maoïste. Certains de ces journalistes ont été battus ou torturés lors de leurs interrogatoires. Depuis plusieurs mois, Reporters sans frontières, ainsi que les médias parrains de Mina Sharma, et les centaines de personnes qui ont signé des pétitions, se mobilisaient en faveur de sa libération.
A la connaissance de Reporters sans frontières, au moins vingt-et-un professionnels des médias sont toujours détenus au Népal. Aucun d'entre eux n'a été jugé et les autorités n'ont jamais respecté les délais de détention prévus par la loi antiterroriste.