RSF s’alarme de la situation des journalistes afghans au Pakistan, entre harcèlement policier, coût astronomique des visas et risque d’expulsion
La situation des journalistes afghans exilés au Pakistan s'est aggravée avec la réduction de la durée des visas et l'intensification des raids policiers. Ils sont victimes de harcèlement, d’arrestations arbitraires et de menaces d’expulsion. Reporters sans frontières (RSF) demande aux autorités pakistanaises de garantir leur protection.
“Contraints de fuir les talibans pour sauver leur vie, les journalistes afghans réfugiés au Pakistan vivent dans une angoisse insoutenable, sous la menace récurrente des arrestations arbitraires, du harcèlement policier et d’une expulsion vers l’Afghanistan. RSF exhorte le gouvernement pakistanais à agir immédiatement pour garantir leur sécurité et leur présence dans le pays, conformément au principe de non-refoulement. Afin que ces professionnels puissent finaliser leur processus de réinstallation dans un pays tiers, il est nécessaire d'étendre la durée de leurs visas.
Refuge temporaire d’une centaine de journalistes afghans, qui ont fui les talibans, le Pakistan devient un pays de plus en plus inhospitalier pour eux. La procédure de visa en est une illustration criante : leur durée a été réduite à 1 mois (le coût est d'environ 100 dollars par personne) et leur renouvellement est soumis à des contraintes administratives kafkaïennes. Ils sont dès lors exposés à des risques d’interpellation, de détention et au harcèlement policier.
Depuis début janvier, plusieurs journalistes ont été détenus temporairement dans un centre de rétention à Islamabad, la capitale, et une journaliste, qui souhaite conserver l’anonymat, a été renvoyée en Afghanistan. Leur arrestation s’inscrit dans la vague de raids policiers visant les réfugiés afghans installés à Islamabad et ses environs dans un contexte cyclique de dégradation des relations entre le régime taliban de Kaboul et le gouvernement pakistanais. Le ministre de l’Intérieur a également justifié la répression en accusant des ressortissants afghans d'avoir participé à des manifestations de l'opposition – une accusation que de nombreux observateurs jugent totalement infondée.
Des témoignages alarmants
Les récits des journalistes afghans exilés, qui souhaitent garder l’anonymat, illustrent la gravité de la situation. “La police fouille les maisons pour s'assurer qu'aucun Afghan sans visa valide ne se cache. S'ils en découvrent, ils le soumettent à un contrôle biométrique et l’expulse immédiatement. Dans le passé, si quelqu'un faisait une demande de prolongation de visa, il n’était pas inquiété, mais ce n’est plus le cas”, témoigne un journaliste réfugié à Islamabad. Des journalistes témoignent des mêmes pressions. “En ce mois de janvier, ma femme a été arrêtée, son visa était expiré mais la procédure de renouvellement était en cours. La police nous a menés de force dans un centre de rétention, nous y avons passé la nuit, angoissés par le sort de nos enfants restés seuls à la maison. Libérés après avoir supplié le chef de la police, nous avons dû signer un engagement à retourner au centre si le visa n'était pas obtenu sous une semaine. Mais le bureau des visas nous a infligé une amende de 400 dollars, que je suis incapable de payer. Nous sommes terrifiés,” témoigne un journaliste. Une journaliste relate la même expérience : “Début janvier, la police a perquisitionné mon domicile et nous a arrêté avec mon mari et mes enfants. Nous avons été transférés au centre de rétention de Haji Camp à Islamabad, bien que nous ayons présenté notre demande de prolongation de visa déposée un mois plus tôt. Après plusieurs heures de détention, j'ai été libérée en raison du jeune âge de mes enfants. Malgré mes supplications, mon mari a été expulsé en Afghanistan, où il fait face à des dangers mortels.”
RSF a déployé un réseau de soutien pour ces professionnels des médias, demandant aux parties prenantes des conditions de vie dignes pour ces journalistes, et la possibilité de s'installer au Pakistan ou d'être autorisés et soutenus dans leur départ vers un pays d'accueil.