RSF demande la libération immédiate de la journaliste birmane Htet Htet Khine, condamnée à 3 ans de prison
Après plus d’un an passé en détention provisoire, la journaliste indépendante, figure de la BBC, vient d’être condamnée à une peine de réclusion criminelle de trois ans, qui pourrait encore s’alourdir. Reporters sans frontières (RSF) dénonce une nouvelle parodie de procédure judiciaire et demande sa libération immédiate.
Mise à jour du 28/09/22
La journaliste indépendante Htet Htet Khine a été de nouveau condamnée à 3 ans de prison et de travaux forcés, le mardi 27 septembre.
“Il est insupportable qu’une journaliste croupisse en prison alors qu’elle ne fait que son travail, qui consiste à informer librement ses concitoyens, déplore le bureau Asie-Pacifique de RSF. Nous appelons le rapporteur spécial des Nations unies sur la situation des droits de l’homme en Birmanie, Tom Andrews, à agir pour mettre fin au cycle de condamnations pénales qui s’abattent actuellement sur les journalistes birmans à un rythme effréné.”
Emprisonnée pour avoir témoigné de la violence dans son pays, la journaliste indépendante Htet Htet Khine a été condamnée jeudi 15 septembre par un tribunal de Rangoun, la plus grande ville du pays, à une peine de trois ans de prison et de travaux forcés. Elle avait été inculpée pour “incitation à la haine et la violence contre l’armée”, sur la base d’une violation de l’article 505-A du Code pénal birman.
Un nouveau procès à venir
Htet Htet Khine est détenue depuis le 15 août 2021 dans la sordide prison d’Insein, où elle a passé plus d’un an dans l’attente de son procès. Après le verdict, son avocat a tenu à souligner le courage de la journaliste, et a fustigé une condamnation prononcée “en l’absence de toute preuve”. Le directeur des programmes de la chaîne BBC Media Action, pour qui elle travaillait, a de son côté exprimé ses “profondes inquiétudes pour sa santé et sa sécurité”.
La journaliste a été arrêtée et est détenue aux côtés de son confrère Sithu Aung Myint, avec qui elle s’était cachée plusieurs semaines dans un appartement de Rangoun. Reporter pour le magazine indépendant Frontier Myanmar et chroniqueur pour la radio américaine Voice of America, il est pour sa part toujours en attente d’un jugement. Accusé “d'incitation aux troubles” et de “sédition”, Sithu Aung Myint encourt une peine cumulée de 23 ans de réclusion criminelle pour avoir publié des articles critiques de l’armée birmane. Son avocat témoignait au mois d’avril d’une dégradation de son état de santé, ainsi que d’une privation de soins de la part des autorités pénitentiaires.
Accusée dans une autre affaire, Htet Htet Khine encourt de son côté trois ans de réclusion criminelle supplémentaires au motif de l’article 17-1 de la “loi sur les associations illégales”. Son crime ? Avoir travaillé pour Federal FM, une radio interdite par le régime militaire et avoir hébergé un journaliste recherché par les autorités.
Journaliste mue par son combat pour la paix
Htet Htet Khine est originaire du centre de la Birmanie et a embrassé la profession de journaliste en 2010. Elle a longtemps collaboré avec BBC Media Action, la chaîne à rayonnement international du groupe de presse britannique. Entre 2016 et 2020, elle y présentait le programme documentaire “Khan Sar Kyi” (“sensations”, en français), qui illustrait l’impact des conflits qui meurtrissent la société birmane.
En situation de guerre civile permanente depuis l’indépendance de 1948, la population, marquée par une grande diversité ethnique, subit de plein fouet les rivalités qui déchirent le pays. Le programme “Khan Sar Kyi” permettait de diffuser de puissants témoignages sur les difficultés à vivre aux frontières du pays, les principales zones de tensions ethniques.
Comme Htet Htet Khine aime à le répéter, “la liberté ne se donne pas, elle se gagne”. Convaincue que ses reportages contribuaient à dénoncer l’horreur des conflits, la journaliste s’employait à placer les chefs de guerre de tous bords devant leurs responsabilités. Régulièrement, elle accompagnait des généraux birmans dans des camps de réfugiés internes ou des leaders de groupes ethniques sur les terres dévastées de paysans birmans.
Depuis le retour au pouvoir des militaires birmans après le coup d’État du 1er février 2021, au moins 110 journalistes ont été arrêtés et 66 se trouvent encore derrière les barreaux. Depuis quelques mois, les condamnations pénales se multiplient. En août, le journaliste indépendant Maung Maung Myo a été condamné à six ans de réclusion pour “terrorisme”. Un mois plus tôt, la reporter Nyein Nyein Aye recevait une peine de trois ans de prison et de travaux forcés, sur la même base que sa consoeur Htet Htet Khine.