RSF dénonce le double jeu de l’Indonésie en matière de liberté de la presse
A la veille du 3 mai 2017, Journée mondiale de la liberté de la presse, Reporters sans frontières (RSF) dénonce le double jeu des autorités indonésiennes en matière de liberté de l’information. Alors que Jakarta est la ville hôte de cette 24ème édition organisée par l’UNESCO, les autorités indonésiennes continuent de réprimer en toute impunité les journalistes indépendants en Papouasie.
Le journaliste Yance Wenda a été arrêté par la police locale alors qu’il couvrait une manifestation pacifique pour le média Jubi, lundi 1er mai, dans le district de Sentani, près de la capitale provinciale, Jayapura (est du pays). Le journaliste a été détenu pendant environ quatre heures. Yance Wenda a expliqué ne pas avoir eu le temps de présenter sa lettre de mission avant d’être frappé durant sa détention. “Ils m’ont frappé avec leurs mains, leurs bâtons et leurs armes”, a-t-il expliqué au site d’information BenarNews. Le chef de la police à Jayapura Gustav Urbinas a reconnu l’arrestation du journaliste mais a nié les violences à son encontre alors que le photographe a pris des photos de ses blessures, attestant de la brutalité des policiers, et fait circuler sur Internet.
“Nous condamnons fermement les violences policières commises à l’encontre de Yance Wenda et demandons l’ouverture d’une enquête afin de déterminer les responsabilités et de traduire en justice les auteurs de violences et leurs responsables qui entérinent leur brutalité, déclare Benjamin Ismaïl, responsable du bureau Asie-Pacifique de Reporters sans frontières. Ce passage à tabac, qui s’inscrit dans une longue série d’atteintes à la liberté de l’information en Papouasie au cours des derniers mois, démontre que l’Indonésie, dans le dernier tiers du Classement mondial de la liberté de la presse 2017, ne méritait pas d'accueillir la journée mondiale de la liberté de la presse. L’Unesco et tous les acteurs politiques réunis à Jakarta doivent condamner ces violences et demander au président Joko Widodo de cesser ce double jeu, qui consiste à promouvoir la liberté de la presse auprès de la communauté internationale tout en maintenant un verrou sur la Papouasie.”
L’Indonésie se situe à la 124ème place sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse 2017, publié le 26 avril dernier. Il n’est pas rare que des journalistes, locaux ou étrangers, reçoivent des menaces (anonymes ou de la part des autorités) et soient contraints à la censure. La semaine dernière, la police locale a confisqué le matériel de Richardo Hutahaean, président de l’Association des journalistes TV de Papouasie, avant de supprimer le contenu de sa caméra. Peu avant, le journaliste et deux de ses confrères avaient reçu des menaces de mort après avoir couvert une affaire judiciaire entre des politiques locaux.
Au vu de la situation alarmante de la liberté de la presse en Papouasie, des nombreux refus de visas et des pressions exercées à l’encontre des journalistes, plusieurs organisations de défense des droits de l’homme ont prévu de manifester en marge des événements organisés par l’Unesco et le gouvernement indonésien, afin d’appeler la communauté internationale à réagir. Reporters sans frontières exprime son soutien pour le Legal Aid Center for the Press (LBH Pers), qui a organisé, le 2 avril 2017 une discussion publique sur la liberté de la presse en Papouasie occidentale.
La presse étrangère est également contrôlée, généralement interdite de travailler sur l’île et étroitement surveillée le cas échéant. En février, les journalistes Franck Escudie et Basile Longchamp ont été expulsés du territoire alors qu’ils devaient réaliser un reportage.
En 2016, le reporter Cyril Payen s’est vu interdit d’entrée sur le territoire indonésien après avoir diffusé un reportage pour France 24, “La guerre oubliée des Papous”. Le journaliste français avait pourtant reçu toutes les autorisations nécessaires à la réalisation du documentaire.