Reporters sans frontières a demandé à toutes les délégations participant à la Table ronde ivoirienne qui se déroule depuis le 15 janvier 2003 dans la région parisienne, de prendre de véritables engagements pour assurer l'instauration d'une presse plus libre et plus responsable. L'organisation demande notamment la mise en place de mesures de sécurité pour tous les journalistes qui travaillent dans le pays.
Reporters sans frontières a adressé un courrier à toutes les délégations participant à la Table ronde ivoirienne qui se déroule à Linas-Marcoussis (au sud de Paris) du 15 au 24 janvier 2003, pour leur demander d'aborder la question des médias en Côte d'Ivoire. L'organisation exhorte les partis politiques et les mouvements rebelles présents à prendre de véritables engagements pour assurer l'instauration d'une presse plus libre et plus responsable dans le pays. Ils doivent notamment prendre des mesures afin d'assurer la sécurité de tous les journalistes - ivoiriens ou étrangers - qui travaillent en Côte d'Ivoire. Il est inadmissible que des reporters soient régulièrement interpellés, agressés ou menacés.
Par ailleurs, les responsables politiques et les dirigeants des mouvements rebelles doivent encourager la presse à être plus responsable. Les manquements à l'éthique et à la déontologie professionnelles sont monnaie courante dans le pays. Plusieurs titres n'hésitent pas à publier des articles à caractère raciste et xénophobe, mettant en danger la sécurité de nombreuses personnes. Le National, L'œil du peuple et le journal du parti au pouvoir, Notre Voie, font partie de ces médias qui jettent constamment de l'huile sur le feu en publiant des éditoriaux incendiaires et des articles va-t-en guerre.
L'Observatoire de la liberté de la presse, de l'éthique et de la déontologie (OLPED) ne peut plus se contenter de diffuser des communiqués rappelant la presse à l'ordre. Cet organisme d'autorégulation doit être doté de véritables pouvoirs de sanctions. Par exemple, il est nécessaire que cet observatoire ait les moyens d'obliger les journaux incriminés à publier les droits de réponse qui leur sont adressés, en conformité avec les articles 9, 28 et 29 de la loi sur la presse. L'OLPED devrait aussi être consulté avant toute délivrance ou retrait de la carte de presse.
Enfin, le Front populaire ivoirien (FPI, au pouvoir) et le Mouvement patriotique de Côte d'Ivoire (MPCI, mouvement rebelle dans le nord du pays) doivent demander aux médias placés sous leur contrôle de respecter scrupuleusement l'éthique professionnelle. En ce qui concerne la radiotélévision publique (RTI), à Abidjan, elle est au service du public et doit respecter un réel pluralisme de l'information en permettant à toutes les sensibilités politiques du pays de s'exprimer.
La chaîne de télévision Notre Patrie et le journal Liberté, contrôlés par les rebelles à Bouaké, doivent veiller à informer correctement la population ivoirienne et chercher à apaiser la situation.
La presse ivoirienne est à la fois victime et responsable de la crise que connaît aujourd'hui le pays. Depuis la tentative de coup d'Etat du 19 septembre 2002, de nombreux reporters nationaux ou étrangers ont été pris à partie, tant par les forces de l'ordre que par les mouvement rebelles. Les arrestations, agressions ou menaces à l'encontre des professionnels de la presse sont quasi quotidiennes. Mais la presse joue également un rôle néfaste dans cette crise. "Nous les journalistes ivoiriens, nous avons préparé la guerre. Il faut assumer nos responsabilités. Avec nos verbes haineux, nos diatribes, on a préparé la guerre dans l'esprit des Ivoiriens", confiait un ancien directeur de publication à Reporters sans frontières, lors d'une mission d'enquête, en octobre 2002.