Reporters sans frontières dénonce les propos tenus par le président français en marge de sa visite d'Etat en Tunisie. “Le président Nicolas Sarkozy a affirmé que l'espace des libertés progressait en Tunisie. Nous ne devons pas parler du même pays. La liberté d'expression reste une utopie dans ce pays et les journalistes indépendants et leurs familles sont victimes d'un harcèlement continu”, a déclaré l'organisation.
“Le président Nicolas Sarkozy a affirmé que l'espace des libertés progressait en Tunisie. Nous ne devons pas parler du même pays. Ces propos sont inadmissibles. La liberté d'expression reste une utopie en Tunisie. La presse n'y fait que glorifier le bilan du président Zine el-Abidine Ben Ali et les journalistes indépendants et leurs familles sont victimes d'un harcèlement continu. Les défenseurs des droits de l'homme et les syndicalistes n'échappent pas non plus à ce traitement”, a déclaré Reporters sans frontières.
“C'est un coup de poignard dans le dos des militants tunisiens qui attendaient beaucoup de la visite du président français. En 2007, lors de la précédente visite en Tunisie de Nicolas Sarkozy, l'Elysée s'était félicité d'avoir évoqué le cas du prisonnier politique Mohammed Abbou. Ce dernier avait en effet été libéré quelques jours plus tard. Aujourd'hui, le président français, accompagné de dizaines d'hommes d'affaires, change radicalement d'approche et félicite le président Ben Ali, alors qu'aucune amélioration n'a été constatée dans le domaine des droits de l'homme. Ce grand écart est incompréhensible”, a déploré l'organisation.
“Monsieur le Président, la France peut continuer à faire des affaires avec la Tunisie tout en étant lucide sur la réalité politique du pays. Ne méprisez pas ceux qui se battent en Tunisie pour faire entendre leurs voix au détriment de leur sécurité et de leur liberté. Reporters sans frontières et bien d'autres organisations de défense des droits de l'homme ne sont pas autorisées à se rendre dans le pays. Votre présence dans le pays devrait, plus que jamais, servir à promouvoir les libertés fondamentales, perpétuellement bafouées en Tunisie“, a ajouté Reporters sans frontières à l'adresse du président français.
En marge de sa visite d'Etat, le président français Nicolas Sarkozy a déclaré, le 28 avril 2008 : "Je ne vois pas au nom de quoi je me permettrais, dans un pays où je suis venu en ami et qui me reçoit en ami, de m'ériger en donneur de leçons. Aujourd'hui, l'espace des libertés progresse. J'ai pleinement confiance dans votre volonté de vouloir continuer à élargir l'espace des libertés."
Au pouvoir depuis 1987, le président tunisien Zine el-Abidine Ben Ali est considéré par Reporters sans frontières comme l'un des 34 prédateurs de la liberté de la presse dans le monde. La Tunisie occupe la 145e place sur 169 du classement mondial de la liberté de la presse, établi par Reporters sans frontières en octobre 2007.
L'organisation rappelle que le journaliste Slim Boukhdir est actuellement incarcéré à Sfax (230 km au sud de Tunis) où il purge une peine d'un an de prison. Correspondant du journal londonien Al Quds Al Arabi et du site Internet de la chaîne de télévision Al-Arabiya, Slim Boukhdir a été interpellé, le 26 novembre 2007, suite à une altercation avec des policiers qui le suivaient. Ses conditions de détention sont inquiétantes.
Par ailleurs, deux responsables de l'hebdomadaire Al-Maoukif, organe d'un parti d'opposition, ont entamé une grève de la faim, à la veille de la visite du président français, pour protester contre les saisies intempestives de leur journal. La police a retiré quatre des cinq derniers numéros des kiosques sans raison et sans le notifier à la rédaction. Al-Maoukif, qui n'a pas accès à des subventions publiques, ni à des fonds publicitaires, repose entièrement sur le produit de ses ventes. La rédaction craint une asphyxie financière si les saisies se poursuivent.