Alors que le procès des assassins présumés du journaliste et humoriste Jaime Garzón (photo) pourrait théoriquement s'ouvrir dès le 11 juillet 2002, Reporters sans frontières et le réseau Damoclès, bras judiciaire de Reporters sans frontières, annoncent qu'elles seront partie civile lors des audiences.
Alors que le procès des assassins présumés du journaliste et humoriste Jaime Garzón (photo) pourrait théoriquement s'ouvrir dès le 11 juillet 2002, Reporters sans frontières et le réseau Damoclès, bras judiciaire de Reporters sans frontières, annoncent qu'elles seront partie civile lors des audiences. Les deux organisations seront représentées par l'avocat Alirio Uribe, de l'association Colectivo de Abogados José Alvear Restrepo.
Préoccupées par la tournure de l'enquête - des témoignages mettant en cause des militaires auraient été écartés un peu rapidement par les enquêteurs -, Reporters sans frontières et le réseau Damoclès souhaitent ainsi participer au déroulement du procès. "Nous espérons que les éléments de preuves qui n'ont pas été examinés par les enquêteurs lors de la phase d'investigation le seront enfin lors des audiences", ont souligné Robert Ménard, secrétaire général de Reporters sans frontières, et Jean-Pierre Getti, vice-président du réseau Damoclès, dans une lettre adressée au juge Julio Roberto Ballesta Silva, qui présidera les audiences.
Pour Reporters sans frontières, cette démarche, la première de l'organisation en Amérique latine, vise également à maintenir l'attention de la société colombienne sur les suites d'un assassinat qui provoqua, en août 1999, une mobilisation sans précédent dans le pays. Le jour des funérailles, plusieurs centaines de milliers de Colombiens étaient descendus dans la rue rendre un dernier hommage à Jaime Garzón.
Les deux organisations espèrent ainsi créer un précédent important dans la lutte contre l'impunité dont bénéficient trop souvent les assassins de journalistes en Colombie. Au cours des dix dernières années, une quarantaine d'assassinats de professionnels de l'information ont été recensés dans ce pays, pratiquement tous restés impunis à ce jour.
La Colombie figure sur une liste noire des vingt et un pays dans le monde où les assassins, les responsables de disparitions ou les tortionnaires de journalistes jouissent d'une impunité totale. Cette liste noire a été publiée le 1er juillet 2002 par Reporters sans frontières et le réseau Damoclès.
Rappel des faits
Jaime Garzón, journaliste et humoriste à la station Radionet et à la chaîne de télévision Caracol Televisión, a été abattu le 13 août 1999 à Bogotá par deux hommes à moto. Le 2 janvier 2002, le juge d'instruction en charge du dossier, Eduardo Meza, a clos l'enquête. Celle-ci conclut à un assassinat commandité par Carlos Castaño, le chef des Autodéfenses unies de Colombie (AUC, paramilitaires) et exécuté par Juan Pablo Ortiz Agudelo, alias El Bochas, l'auteur des coups de feu, et Edilberto Antonio Sierra Ayala, alias Toño, le conducteur de la moto. Ces deux derniers ont été arrêtés respectivement en janvier 2000 et septembre 2001. Un mandat d'arrêt a été délivré contre Carlos Castaño en juin 2000.
Le mobile de l'assassinat serait la participation de Jaime Garzón dans des négociations en vue d'obtenir la libération de personnes enlevées par la guérilla des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC). Le chef des paramilitaires aurait reproché au journaliste d'avoir fait ainsi le jeu de la guérilla mais également d'avoir touché de l'argent en échange de ses services. Certaines informations publiées par la presse font cependant mention de témoignages écartés par les enquêteurs qui mettaient en cause des militaires. Selon ces informations, certains secteurs de l'armée auraient craint les révélations du journaliste sur leur implication présumée dans des trafics d'armes et des trafics de personnes enlevées avec la guérilla des FARC. Les enquêteurs affirment que ces témoignages n'étaient confirmés par aucune preuve.
Après la clôture de l'enquête, le dossier a été transmis au juge de la septième chambre pénale de Bogotá. Depuis le 1er juillet, les parties au dossier - les avocats de la famille et de la compagne du journaliste, ceux des accusés et le représentant du ministère public - ont eu dix jours pour faire connaître au juge les preuves qu'ils entendent voir examinées lors des audiences. Le procès pourrait théoriquement s'ouvrir le 11 juillet et s'achever, au plus tard, un an après son ouverture.