Réouverture de l’enquête sur le deepfake de la journaliste slovaque Monika Tódová : RSF appelle à la création d’un délit pour ce type d’attaque
La décision du procureur slovaque de rouvrir l’enquête sur le deepfake dont a été victime la journaliste Monika Tódová, durant les élections législatives, est une étape cruciale pour prendre la mesure de cette attaque. Reporters sans frontières (RSF) souligne l'urgence d'adapter la législation slovaque et celles de tous les États démocratiques aux défis que peut représenter ce type de contenus produits via l’intelligence artificielle contre les journalistes et le droit à l’information.
C’est une étape importante et bienvenue dans le combat contre les torts causés à l’accès à l’information par les deepfakes de journalistes. Ce 6 mars 2024, la journaliste slovaque Monika Tódová, l’une des premières figures médiatiques victimes d’un trucage de sa voix par intelligence artificielle (IA) en vue d’influencer le résultat d’un scrutin en Europe, a été entendue après la réouverture de l’enquête. Le 28 septembre 2023, une fausse conversation générée par IA mettait en scène la journaliste et le dirigeant du parti progressiste slovaque fomentant une fraude électorale. Diffusé sur les réseaux sociaux à l’avant-veille du scrutin, ce contenu a clairement profité à la désinformation pro-russe qui sévit dans le pays. Dans une vidéo réalisée par RSF, la journaliste revient en détails sur ce deepfake et sur les réactions haineuses qu’il a engendrées à son égard.
Pourtant, la police avait dans un premier temps refusé d’enquêter sous prétexte, selon elle, que le public n’avait pas pu être induit en erreur par ce trucage audio généré par intelligence artificielle, pourtant devenu viral sur les plateformes. Le procureur slovaque a invalidé cette décision début février et a demandé la réouverture de l’enquête sur la base d’une accusation de diffamation, faute d'infraction spécifique pour les deepfakes.
Pour RSF, il y a urgence à combler ce vide juridique et instituer un délit spécifique pour cette forme d’attaque lorsqu’elle est utilisée contre les journalistes et contre le droit du public à une information fiable. Ce délit doit prendre en compte les différents aspects de la menace et sanctionner tant les créateurs que les diffuseurs de deepfakes.
"L'affaire Monika Tódová est un signal d'alarme. Nous ne pouvons rester passifs face à l'utilisation malveillante des technologies pour attaquer la presse et manipuler l'opinion publique. Il est impératif de disposer de législations à la hauteur des enjeux : nous appelons à la création d’un délit de deepfake, adapté aux menaces qu’ils font peser sur les journalistes et le droit à l’information. Usurpation d’identité, diffamation, désinformation et perturbation du bon déroulement des élections : un seul deepfake peut causer de multiples dégâts et aucun délit encore constitué n’est capable d’en appréhender toute la complexité.”
Vincent Berthier
Responsable du bureau technologies de RSF
La désinformation et la propagande, dans l’attirail desquels les deepfakes occupent une place de choix, tirent profit de la mondialisation des réseaux et ne s’arrêtent pas aux frontières des pays. La création de ce délit dans les législations nationales doit permettre d’ouvrir la voie à des coopérations internationales pour enquêter sur ces contenus dangereux, les bloquer dans plusieurs pays simultanément et traduire leurs auteurs et diffuseurs devant la justice.