Quatre ans après l'assassinat du journaliste Norbert Zongo, le 13 décembre 1998, l'enquête n'avance toujours pas. Reporters sans frontières demande aux Nations unies de se saisir du dossier et d'exiger la tenue d'un procès au plus vite.
Le 13 décembre 1998, Norbert Zongo, directeur de l'hebdomadaire L'Indépendant, était assassiné sur une route dans le sud du Burkina Faso. Aujourd'hui, Reporters sans frontières dénonce le peu d'avancée de l'enquête. Les responsables politiques du pays font tout pour qu'elle ne débouche pas sur un procès. De son côté, la justice burkinabé pratique l'immobilisme : le juge d'instruction ne mène aucune investigation et de nombreuses personnes pouvant apporter des éléments susceptibles de faire progresser le dossier n'ont toujours pas été interrogées. L'impunité reste donc la règle au Burkina Faso
Aussi, Reporters sans frontières demande au rapporteur spécial des Nations unies sur la promotion et la protection du droit à la liberté d'opinion et d'expression, Ambeyi Ligabo, de se rendre au plus vite au Burkina Faso, et au haut-commissaire des Nations unies aux droits de l'homme, Sergio Vieira de Mello, de se saisir du dossier et d'exiger des autorités burkinabés qu'un procès se tienne au plus vite.
La population burkinabé n'est pas dupe et ne croit plus les déclarations des autorités selon lesquelles "les choses avancent". Même les propos du chef de l'Etat, confiés à un mensuel local en juin 2002, ne rassurent plus. Blaise Compaoré avait alors affirmé à propos de l'affaire Zongo : "Moi aussi, je souhaite comme vous que ça puisse avancer." Il avait également rappelé l'indépendance de la justice de son pays et déclaré n'avoir aucun pouvoir sur l'instruction et aucune "relation de travail avec les juges".
Le frère du président de la République, François Compaoré (photo), largement impliqué dans cette affaire, n'a été entendu qu'une seule fois par le juge, en janvier 2001, soit plus de deux ans après les faits.
Par ailleurs, Reporters sans frontières est toujours extrêmement préoccupée par l'état de santé de l'adjudant Marcel Kafando (photo), l'unique inculpé dans le cadre de cette affaire. Ce responsable du Régiment de la sécurité présidentielle (RSP) est un élément clé dans l'instruction en cours. En février 2001, l'adjudant a été inculpé "d'assassinat" et "d'incendie volontaire" par le procureur général Abdoulaye Barry dans le cadre du dossier Norbert Zongo. Si Marcel Kafando mourait aujourd'hui, le juge d'instruction ne pourrait plus recueillir de preuves et d'éléments suffisants pour remonter dans la hiérarchie des responsabilités. Cette situation perdure depuis plus d'une année et il est très probable que les autorités attendent sa disparition afin de clore définitivement l'enquête.
A l'occasion du 4eme anniversaire de la mort de Norbert Zongo, le 13 décembre 2002, Reporters sans frontières diffuse une campagne de presse dans une soixantaine de journaux et une quarantaine de radios du continent africain. "La justice étouffée depuis 4 ans et ce sont tous les Burkinabés qui ont mal", rappelle l'organisation dans ces messages.
Rappel :
Norbert Zongo était le directeur de l'hebdomadaire L'Indépendant. Il a été retrouvé mort, carbonisé dans son véhicule, en compagnie de trois de ses compagnons, le 13 décembre 1998. Cette date a été le point de départ d'une vague de contestations dans tout le pays. Depuis, plusieurs dizaines de manifestations ont eu lieu à Ouagadougou et dans les principales villes du pays.
Le 7 mai 1999, une commission d'enquête indépendante, chargée de "déterminer les causes de la mort" du journaliste Norbert Zongo, a remis son rapport au Premier ministre burkinabé. Mise en place à l'initiative des autorités, elle a conclu, après avoir auditionné plus de deux cents personnes, que "concernant les mobiles de ce quadruple meurtre (…), il faut les chercher du côté des enquêtes menées depuis des années par le journaliste, et notamment sur ses récentes investigations concernant la mort de David Ouedraogo, le chauffeur de François Compaoré, conseiller à la présidence" et frère du chef de l'Etat. Le rapport donnait également le nom de six "sérieux suspects" dans cette affaire, tous membres du Régiment de la sécurité présidentielle.