Québec : un journaliste congédié après une enquête sur des liens présumés entre une personnalité politique locale et le crime organisé
Un journaliste a été licencié après avoir divulgué les résultats de son enquête sur le candidat de sa région aux élections fédérales et ses liens présumés avec le crime organisé. Reporters sans frontières (RSF) dénonce ce renvoi et s’inquiète de l’avenir du journalisme local indépendant.
Frédéric Marcoux, journaliste à l’hebdomadaire L’Express, de Drummondville (centre du Québec) a été licencié le 2 octobre alors qu’il tentait de mener une enquête sur William Morales, candidat libéral (Parti du premier ministre actuel Justin Trudeau) et des personnes liées à la mafia colombienne.
“J’arrive dans le bureau de mon employeur, les documents [de renvoi] sont prêts…”
Contacté par RSF, le journaliste confie avoir été choqué par cette décision liée selon lui à la peur du crime organisé qui règne au sein de sa rédaction: “Je milite pour une presse forte qui, peu importe la région du monde, ne cédera pas à la peur ou aux menaces. On m’a sanctionné tout simplement parce que j’ai voulu que la réalité sorte au grand jour”. Victime d’intimidation durant son enquête et craignant pour sa vie, le journaliste québécois a déposé plainte à la Sûreté du Québec.
“M’assurer que l’information sorte”
Frédéric Marcoux a publié un premier article sur le sujet le 17 septembre dernier, après la désignation de William Morales comme candidat libéral en vue des prochaines élections fédérales. Ce dernier a été aperçu, le soir de sa nomination, enlaçant Julian Andrey Mazuera, inculpé en 2013 pour trafic de drogues, point de départ de l’enquête du jeune reporter. Inquiète, son ancienne rédactrice en chef lui a demandé de mettre un terme à son enquête : « Fini les Colombiens et le crime organisé. Dans ton texte de Morales, ne cite pas le nom de Mazuera et de Milena. » Empêché de publier, craignant la censure, le journaliste s’est confié à une radio nationale pour exposer son cas.
Son ancienne rédactrice en chef, Lise Tremblay, a soutenu une version néanmoins plus nuancée à RSF. Elle a affirmé que le “lien de confiance” avait été brisé du fait de cette crise interne, ce qui a encouragé le journaliste à partir. Elle a également ajouté que le journaliste qui avait pu publier cinq articles sur l’affaire avait fait “le tour du sujet” et qu’elle estimait “qu’il n’y avait plus rien à ajouter pour le moment.”
“Ce jeune reporter a semble-t-il tenté par tous les moyens d’exercer sa mission d'informer cherchant la vérité malgré les obstacles et les intimidations, déplore Pauline Adès-Mével, porte-parole de RSF. Cette affaire ne doit pas créer de précédent pour les journalistes, particulièrement ceux des médias locaux, qui souhaitent traiter des sujets sensibles. Le droit du public à l’information est fondamental dans toute démocratie.”
Le Canada se situe au 18e rang sur 180 pays selon le Classement mondial de la liberté de la presse 2018 de RSF.