Procès contre le propriétaire d’El Periódico: une tentative de faire taire un quotidien de référence au Guatemala
Accusé de blanchiment d’argent, José Rubén Zamora, journaliste et patron d’El Periódico, comparaît depuis le 2 mai devant un tribunal au Guatemala et encourt jusqu'à 20 ans de réclusion. Reporters sans frontières (RSF) dénonce un procès destiné à faire taire ce quotidien indépendant de référence qui s’attaque à la corruption du pouvoir dans son pays.
“Je suis un prisonnier politique et j’ai été traité comme tel”, a déclaré José Rubén Zamora, à son arrivée au tribunal pour l’ouverture de son procès ce mardi 2 mai. Le fondateur du quotidien national de référence El Periódico est accusé d’avoir tenté de blanchir une somme équivalente à 35 000 euros, fruit supposé d’un chantage auprès d’homme d’affaires contre la promesse de ne pas publier des informations compromettantes les concernant. En détention depuis le 29 juillet 2022, il clame son innocence et assure être poursuivi en raison des publications de son journal dénonçant la corruption du président guatémaltèque Alejandro Giammattei et de son entourage.
Jose Rubén Zamora s’est présenté au tribunal sans équipe juridique pour le défendre, deux de ses avocats, accusés d’avoir présenté des preuves falsifiées, ayant été arrêtés deux semaines plus tôt.
“Derrière le procès du patron de presse José Rubén Zamora, c’est en réalité le journalisme indépendant et les plus de 150 reportages publiés dans le journal El Periódico sur la corruption du gouvernement du Guatemala qui sont visés. Après l’arrestation de son dirigeant, les comptes du journal ont été gelés, entraînant la fin de sa parution papier et le licenciement de 80 % de son personnel. Le pouvoir est de fait parvenu à asphyxier ce quotidien de référence dans toute l’Amérique Centrale. RSF condamne cette instrumentalisation de la justice, et appelle le gouvernement du Guatemala à mettre fin immédiatement à ce harcèlement judiciaire visant non seulement José Rubén Zamora, mais aussi ses proches collaborateurs, ainsi que ses avocats.”
Le patron d’El Periódico était déjà poursuivi depuis plusieurs mois par la justice guatémaltèque pour obstruction à la justice dans le cadre d’une autre enquête concernant des faits de blanchiment d’argent. Le juge chargé de cette deuxième affaire a affirmé que neuf collaborateurs du quotidien - cinq journalistes, trois éditorialistes et sa directrice Julia Colorado - pourraient aussi être poursuivis pour désinformation. Huit d’entre eux ont depuis fui en exil. L’arrestation de José Rubén Zamora, en juillet 2022, a coïncidé avec celles d’anciens magistrats anti-corruption, alors que d’autres ont fui en exil, témoignant d’une dérive autoritaire dans le pays. Le Guatemala est descendu cette année à la 127e place sur 180 pays au nouveau Classement mondial de la liberté de la presse, publié ce 3 mai 2023.