Ouganda : RSF demande la libération immédiate de deux journalistes poursuivis pour diffamation
Pidson Kareire et Darious Magara sont détenus depuis plus d’une semaine à la prison de Kitalya sans que leur demande de libération sous caution n’ait été entendue. Reporters sans frontières (RSF) exhorte les autorités ougandaises à libérer les deux journalistes sans plus attendre.
Les faits remontent à plusieurs mois. En octobre et novembre 2020, Pidson Kareire, fondateur du journal d’investigation en ligne reconnu Drone Media, et Darious Magara, journaliste pour East African Watch, ont publié plusieurs articles au sujet d’un contrat accordé par l’État à l’entreprise Dott Services Ltd pour la construction de routes reliant le pays à la République démocratique du Congo. Prenant appui sur des propos tenus par des membres du Parlement ougandais, ils remettaient en question la qualité du travail effectué par la compagnie, qui avait déjà fait l’objet de plusieurs auditions parlementaires.
En mai dernier, une plainte pour diffamation a été déposée par l’entreprise. Le 27 mai, Pidson Kareire et Darious Magara ont été arrêtés et conduits à la prison de Kitalya, où ils seront détenus jusqu’au 17 juin, date de la première audience de leur procès. Selon l’avocate des journalistes jointe par RSF, ils encourent jusqu’à deux ans de prison conformément à l’article 22 du code pénal ougandais.
“Il est invraisemblable que ces journalistes soient emprisonnés pour de simples faits de diffamation présumée, dénonce le responsable du bureau Afrique de RSF, Arnaud Froger. Cette mesure, en plus d’être totalement disproportionnée, constitue une entrave sérieuse à la liberté d’enquêter et d’informer. RSF condamne le harcèlement systématique des journalistes ougandais sous toutes ses formes et exhorte les autorités à remettre en liberté ces deux reporters afin qu’ils puissent comparaître libres pour les faits qui leur sont reprochés.”
En Ouganda, il n’est pas inhabituel que des journalistes d’investigation soient pris pour cibles pour leur travail d’enquête. En 2019, Pidson Kareire avait déjà fait l’objet d’une plainte pour diffamation et “communication offensive” suite à la publication d’un article concernant les activités d’une entreprise de recrutement Middle East Consultants Limited, finalement classée sans suite. Plus récemment fin mai 2021, deux hauts responsables du journal Daily Monitor, premier quotidien privé du pays constamment attaqué par le régime, Tony Glencross et Tabu Butagira, ont été convoqués par la police pour s’être fait l’écho d’une enquête de la BBC, révélant l’usage en novembre 2020 d’armes létales par les forces de sécurité ayant fait plusieurs morts parmi les manifestants pro-Bobi Wine, candidat malheureux à l’élection présidentielle organisée quelques semaines plus tard.
L’Ouganda a perdu 28 places depuis 2015 et occupe actuellement la 125e position sur 180 pays dans le Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2021.