Libération du journaliste cachemiri Majid Hyderi en Inde : RSF salue la décision de justice statuant que “la critique du gouvernement ne constitue pas un motif de détention”

Ciblé par la répression impitoyable des journalistes au Cachemire, le journaliste Majid Hyderi a été libéré le 23 février après un an et demi de prison. La Haute Cour de Jammu-et-Cachemire a jugé que les critiques à l'égard du gouvernement ne pouvaient être considérées comme un motif valable de détention préventive. Reporters sans frontières (RSF) salue cette décision et appelle les autorités indiennes à abroger immédiatement la loi sur la sécurité publique (PSA), utilisée contre Majid Hyderi et plusieurs autres journalistes critiques du pouvoir.

Après 527 jours de détention, Majid Hyderi a enfin retrouvé sa famille. La Haute Cour de Jammu-et-Cachemire a finalement ordonné sa libération immédiate le 19 février dernier, statuant qu'en vertu de la jurisprudence, critiquer négativement les politiques du gouvernement ne pouvait justifier une détention préventive, surtout en l’absence d’une preuve concrète démontrant un trouble à l’ordre public. Fréquemment invité à des débats télévisés, Majid Hyderi, aussi connu sous le nom de “Jimmy”, se montrait critique de la corruption au sein de la bureaucratie locale.

Selon Hamza Prince, avocat de Majid Hyderi, “le verdict historique de la Haute Cour n'est pas seulement une victoire pour M. Hyderi, mais aussi pour le droit fondamental à la liberté d'expression. Dans sa sagesse, la Haute Cour a magnifiquement distingué la critique constructive, essentielle au progrès de la société, des actions qui nuisent véritablement aux intérêts nationaux. Ce jugement a confirmé que l’exercice légitime de la liberté d'expression de M. Hyderi n'a jamais été un acte contre la nation”. 

Journaliste indépendant collaborant avec le quotidien local Greater Kashmir et le portail d’information DailyO.in, Majid Hyderi a d’abord été arrêté le 15 septembre 2023 par la police locale à Srinagar, dans le Jammu-et-Cachemire au nord ouest du pays, à la suite d’une plainte déposée pour “conspiration criminelle, intimidation, extorsion, diffusion de fausses informations et diffamation”. Bien que le journaliste ait obtenu une libération sous caution dès le lendemain, il a été de nouveau arrêté quelques heures plus tard en vertu de la loi controversée sur la sécurité publique (Public Safety Act, PSA) – qui s’applique spécifiquement au Jammu-et-Cachemire. Il était alors accusé de menace pour “la souveraineté, la sécurité et l’intégrité” de l’Inde.  

La Haute Cour a finalement statué que les motifs invoqués étaient “vagues et ambigus” et portaient atteinte aux droits constitutionnels du journaliste, violant l’article 21 (droit à la vie et à la liberté personnelle) et de l’article 14 (égalité devant la loi). Le tribunal a considéré que ces motifs vagues relevaient “de l'arbitraire de la part de l'autorité de détention”.  

“L’incarcération inacceptable de Majid Hyderi s’inscrit dans un contexte de répression dramatique de la liberté de la presse au Jammu-et-Cachemire, depuis la révocation de son autonomie par le gouvernement Modi en août 2019. Censée s’appliquer contre toute menace directe pour la sécurité de l’État, la loi controversée sur la sécurité publique PSA, qui autorise jusqu'à deux ans de détention préventive, a été utilisée à maintes reprises pour enfermer des journalistes au même titre que des terroristes. RSF salue la décision de la Haute Cour de Jammu-et-Cachemire qui envoie un signal fort aux autorités contre l’utilisation abusive de lois liberticides, et  réitère son appel à abroger la loi PSA, instrument de répression pour museler la presse critique.

Célia Mercier
Responsable du bureau Asie du Sud de RSF

Le journaliste Sajad Gul avait été incarcéré en vertu de la même loi PSA pendant plus d’un an et demi, entre janvier 2022 et juillet 2024. Le texte a aussi été utilisé contre le journaliste Aasif Sultan, libéré en février 2024 après plus de cinq ans passés derrière les barreaux.

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