Les services de renseignements font une descente dans une rédaction et agressent des vendeurs de rue
Organisation :
Reporters sans frontières exprime son indignation face aux « méthodes d'intimidation perverses » réservées par la sécurité d'Etat nigériane à l'hebdomadaire The Exclusive, dont la rédaction a subi la descente musclée d'un commando d'une quinzaine d'agents et dont la vente a été empêchée sous la menace.
« Le président nigérian Olusegun Obasanjo peut bien se poser en faiseur de paix sur le continent africain, son pays reste l'un des plus brutaux pour les journalistes, a déclaré Reporters sans frontières. Ses services de renseignements n'ont aucun état d'âme lorsqu'il s'agit de punir les voix discordantes, au besoin en utilisant des méthodes d'intimidation perverses. Nous appelons le président de la Commission de l'Union africaine (UA), Alpha Oumar Konare, à protester formellement contre le climat d'hostilité permanente que subissent les journalistes du Nigeria. Ce pays assurant la présidence tournante de l'UA, il devrait être un exemple de respect des traités qu'il a signés. »
Quatorze agents du State Security Service (SSS), dont une femme, ont fait irruption dans la rédaction de l'hebdomadaire privé The Exclusive, le 19 août 2005, à Lagos, exigeant que leur soient livrées les copies du numéro de la semaine. Les employés présents leur ayant expliqué que le journal avait déjà été distribué aux vendeurs à la criée, les agents leur ont lancé des menaces, estimant qu'ils « refusaient de coopérer ». Le commando du SSS a finalement quitté la rédaction en affirmant qu'il pourrait revenir.
Interrogé par Reporters sans frontières, un vendeur de journaux de Lagos a indiqué qu'il ne vendait plus The Exclusive, après que de nombreux vendeurs ont été agressés par des agents du SSS exigeant de saisir tous les exemplaires de l'hebdomadaire, ce qui représente une perte financière importante.
Même si aucun motif officiel ne lui a été fourni, Ofa Irabor, rédacteur en chef de The Exclusive, contacté par Reporters sans frontières, estime que son journal a subi l'assaut du SSS en raison de sa couverture du retour de l'agitation indépendantiste dans la province du Biafra. Une guerre civile extrêmement meurtrière avait opposé, entre 1967 et 1970, l'armée fédérale et des troupes sécessionnistes issues de l'un des trois grands groupes ethniques du pays, les Igbos, dirigées par Odumegwu Ojukwu. Or, les velléités indépendantistes ont été ravivées ces derniers mois dans la province sous l'égide d'un nouveau leader, Chief Ralph Nwazurike. « En tout, nous avons publié 19 numéros, mais les deux numéros que nous ont demandés les agents du SSS sont ceux dans lesquels nous avons rendu compte de l'agitation igbo, et notamment celui où l'actualité du Biafra faisait la couverture », a expliqué Ofa Irabor.
En 2004, Reporters sans frontières a fait entrer le SSS dans la liste des « prédateurs de la liberté de la presse ».
Publié le
Updated on
20.01.2016