Le reporter cambodgien Ros Sokhet jeté en prison pour deux articles jugés critiques du Premier ministre
Il s’agit du troisième journaliste arrêté pour “incitation au chaos” en trois mois dans le royaume. Face à cette intolérable recrudescence, Reporters sans frontières (RSF) demande à l’Union européenne (UE) de durcir ses sanctions à l’égard du régime du Premier ministre Hun Sen.
Actualisation
Le 11 novembre 2020, le tribunal municipal de Phnom Penh a condamné Ros Sokhet à 18 mois de prison et une amende de deux millions de riels (415 euros). RSF dénonce cette condamnation absolument infondée, et soutient le journaliste dans sa volonté d’interjeter appel.
Directeur de la publication du journal Cheat Khmer (“La nation khmère”), Ros Sokhet a été arrêté et placé en garde à vue le 25 juin suite à un mandat émis la veille par le bureau anti-cybercriminalité de Phnom Penh, qui mentionne des “incitations à provoquer un chaos menaçant la sécurité publique”.
En fait d'incitation au chaos, ce sont deux articles, publiés le mercredi 24 sur Facebook et jugés critiques du Premier ministre Hun Sen, que les policiers reprochent au journaliste. Dans son premier post, le reporter pose des questions concernant les velléités du Premier ministre d’imposer son fils Hun Manet comme son successeur à la tête du gouvernement cambodgien ; dans un second message, Ros Sokhet s’interroge sur l’absence de solution proposée par le gouvernement pour venir en aide aux citoyens cambodgiens incapables de régler leurs dettes à la banque à la suite de la crise du Covid-19.
Après un interrogatoire supplémentaire le vendredi 26, la garde à vue du journaliste a été commuée en détention provisoire. Le même jour, un porte-parole du ministère de l’Information a déclaré qu’il envisageait d'annuler la licence du journal Cheat Khmer, quand bien même celle-ci a été renouvelée sans problème début avril.
Hier, dimanche 28 juin, le journaliste a été formellement accusé d'"incitation au crime" au motif des articles 494 et 495 du code pénal. Il risque deux ans de prison.
“Nous exigeons la libération immédiate de Ros Sokhet, dont le placement en détention pour deux messages considérés comme critiques du Premier ministre, démontre comment le pouvoir cambodgien emprunte désormais les méthodes des pires régimes totalitaires, déplore Daniel Bastard, responsable du bureau Asie-pacifique de RSF. La fuite en avant du clan Hun Sen pour museler toute voix dissidente ne rencontre plus de limite. A ce titre, nous appelons l’UE à durcir les sanctions commerciales récemment prises à l’encontre du régime de Phnom Penh.”
Répression implacable
En février dernier, l’Union a annoncé la suspension des exonérations de droits de douane pour plus d’un milliard de dollars d'exportations cambodgiennes, en représailles, notamment, à la politique de répression de la liberté de la presse absolument implacable engagée par le gouvernement Hun Sen, que RSF avait documentée dans un rapport publié dès 2018.
Plus récemment, le 7 avril, les autorités cambodgiennes ont arrêté le journaliste Sovann Rithy, du site d’information TVFB, au même motif d’”incitation au chaos”, après que celui-ci a simplement relayé sur Internet un commentaire prononcé le jour-même par le Premier ministre Hun Sen en lien avec le Covid-19.
Un mois plus tard, le 13 mai, un autre reporter, Sok Oudom, responsable de la radio Rithisen, a été interpellé lui aussi pour “incitation au chaos”, en raison d’une émission concernant un conflit foncier impliquant un haut gradé de l’armée, dans le province de Kampong Chhnang, au nord de Phnom Penh.
Le Cambodge se situe à la 144e position sur 180 pays dans le Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2020.