Le président Evo Morales contredit sa majorité, après l'éclatement d'un scandale d'espionnage
Reporters sans frontières se félicite de la réaction rapide du gouvernement après la révélation, le 24 janvier, d'un scandale d'espionnage qui a notamment visé Juan José Espada, de la chaîne privée Unitel. L'organisation met néanmoins en garde contre l'exploitation politique et médiatique de l'affaire.
Reporters sans frontières exprime sa consternation après les révélations, le 24 janvier 2008, d'activités d'espionnage hors de tout contrôle impliquant le service de renseignements de la police et dont a été victime, parmi d'autres, Juan José Espada, responsable de l'information de la chaîne privée Unitel. L'organisation compte, malgré ce scandale, sur la poursuite du dialogue engagé entre les représentants des médias et le gouvernement après les violences commises contre la presse au plus fort de la crise politique, en 2007. Elle rappelle, enfin, que les journalistes doivent bénéficier de toutes les garanties de secret professionnel nécessaires à l'exercice de leur métier. “Nous nous félicitons de la réaction rapide du gouvernement face à de telles pratiques. Certains secteurs de la police semblent avoir outrepassé leurs attributions. Concernant Juan José Espada, l'enquête devra établir si l'espionnage dont il a été victime avait pour but de découvrir ses sources d'information, auquel cas il s'agirait d'une violation caractérisée de la liberté de la presse. Le secret professionnel constitue un pilier indispensable de cette liberté. Nous attendons également de savoir si ces procédés ont visé d'autres journalistes. En toute hypothèse, ce scandale ne doit pas servir d'argument à un nouveau rapport de force entre les médias et la classe politique, ni à une polarisation au sein des médias. Le dialogue initié entre le gouvernement et les représentants de la presse après les violentes manifestations de 2007 doit plus que jamais se poursuivre et contribuer à la paix sociale, à l'image de celui engagé entre l'exécutif de La Paz et les gouverneurs d'opposition”, a déclaré Reporters sans frontières. Le 24 janvier, les chaînes privées Cadena A, ATB, PAT, Unitel ainsi que les quotidiens nationaux La Razón et El Nuevo Dia, ont dit avoir reçu anonymement un CD-rom contenant une douzaine de dossiers, une quarantaine de notes et plus de quatre cents photographies. Cette compilation fait état d'activités d'espionnage menées, hors de tout contrôle, par le service de renseignements de la police à la fin de l'année 2007. Dix-huit personnalités politiques ont été victimes de ces procédés parmi lesquelles l'ancien chef de l'État Jorge Quiroga, chef de file du parti d'opposition Podemos, quatre gouverneurs de provinces hostiles au gouvernement d'Evo Morales mais aussi le président du Sénat, Oscar Ortiz et deux parlementaires du Mouvement pour le socialisme (MAS - au pouvoir), Gustavo Torrico et Guido Guardia. Dans la liste figure également Juan José Espada, coresponsable de l'information de la chaîne privée Unitel à La Paz à l'époque des faits, et aujourd'hui en poste à Santa Cruz. Réputée d'opposition, Unitel entretient des relations plutôt tendues avec le gouvernement d'Evo Morales. En l'absence du chef de l'État, en déplacement en Argentine, le vice-président Alvaro Garcia a ordonné, dès le 25 janvier, au général Miguel Vásquez, chef de la police, de lui transmettre toutes les informations relatives à cette affaire. Celui-ci a publiquement mis en cause le service de renseignements de son administration et assuré que “toutes les garanties” seraient données à la presse. Les divisions suscitées par l'élaboration d'une nouvelle Constitution ont plongé le pays dans une crise politique. La presse bolivienne, progouvernementale ou d'opposition, a lourdement fait les frais de ce climat en 2007. Depuis le début de l'année 2008, dominé par une tentative de conciliation entre le gouvernement et l'opposition, de légères dégradations ont endommagé les locaux des chaînes PAT et ATB, respectivement les 19 et 25 janvier à La Paz. La presse s'inquiète également de possibles modifications législatives concernant le secret des sources. Selon plusieurs journaux boliviens, René Fernández, de la station Radio Cadena Nacional, a été agressé, le 25 janvier à La Paz, et sommé de garder le silence concernant l'affaire d'espionnage sur laquelle il enquêtait.