Reporters sans frontières dénonce les nouvelles attaques menées par des fondamentalistes religieux, et relayées par le gouvernement, contre les télévisions privées, interdisant les images jugées "anti-islamiques" et "contraires à la culture afghane".
Reporters sans frontières dénonce la campagne menée par le ministère de l'Information et de la Culture, la Chambre basse du Parlement et le Conseil des Oulémas à l'encontre des télévisions privées, notamment Tolo TV, pour avoir diffusé des images de femmes et d'hommes dansant ensemble.
"Il est regrettable que le gouvernement, par la voie du ministère de l'Information et de la Culture, soutienne ouvertement une campagne lancée par des fondamentalistes à l'encontre des télévisions privées. En quoi la diffusion de telles images met-elle à mal la culture afghane ?", a questionné l'organisation.
"Nous demandons au ministre de l'Information et de la Culture, Abdulkarim Khoram, de revenir sur ses propos et de ne plus tenter d'interférer dans le contenu des programmes des chaînes afghanes. Nous apportons notre soutien à Tolo TV à qui nous avions accordé un prix en 2005 pour son engagement en faveur de la liberté d'expression", a ajouté l'organisation.
Le 30 mars, le Conseil des Oulémas et le ministère de l'Information et de la Culture ont ordonné l'interdiction, avant le 14 avril, de la diffusion des films et feuilletons indiens accusés d'être anti-islamiques. Des médias afghans ont reçu une note (voir document attaché) du ministère de l'Information et de la Culture soutenant cette série d'interdictions. Selon ce document, les séries Kamkam de la chaîne Ariyana, Emtahan Zendeghi et Zamane Khosho Ham Haros Bud de Tolo TV et Dar Entezar de Noorin doivent disparaître des écrans.
La veille, le ministère de l'Information et de la Culture avait diffusé un communiqué reçu par Reporters sans frontières pour dénoncer la diffusion, le 28 mars, sur Tolo TV d'un programme au cours duquel des hommes et des femmes dansaient ensemble. Selon le ministère, ce programme est "contre les croyances et les traditions de la société islamique d'Afghanistan". Il s'agissait de la retransmission de la cérémonie des "Oscars afghans". Un responsable de Tolo TV a expliqué à Reporters sans frontières que la majorité des danseuses avaient la tête couverte et que les mouvements des danseurs étaient "très maîtrisés".
Le 30 mars également, des responsables de Tolo TV ont été convoqués devant la Commission des médias du Parlement, à la demande du ministère. Pour se défendre, ils ont rappelé que les programmes incluant des danseuses étaient fréquents sur les télévisions afghanes, y compris sur la chaîne d'Etat, et que la chorégraphie controversée est tirée d'un film qui a reçu l'autorisation de l'administration cinématographique afghane.
La Chambre basse du Parlement (Wolesi Jirga) a adopté une résolution, le 31 mars 2008, demandant que les médias afghans ne diffusent plus de publicités pour les banques qui proposent des crédits avec intérêt, d'images "sensuelles" (mobtazal) et que les danseurs étrangers ne soient plus invités en Afghanistan. Mais les parlementaires n'ont pas retenu la proposition d'interdire aux femmes de chanter et danser à la télévision.
Des députés conservateurs ont également critiqué Tolo TV. L'ancien chef de guerre Abdul Rab-Rasoul Sayyaf a demandé l'interdiction de la chaîne : "Tolo conspire au nom des étrangers. Je l'ai déjà dit il y a deux ans et personne ne m'a pris au sérieux bien que j'ai apporté des preuves au gouvernement." Plusieurs députés, dont Fawzia Kufi, élue de la province du Badakhshan, ont dénoncé cette atteinte à la liberté de la presse.
Déjà, en janvier, le Conseil des Oulémas avait demandé au président Hamid Karzai de faire interdire Tolo TV et d'autres chaînes privées, accusées d'être anti-islamiques.
Par ailleurs, le célèbre écrivain et journaliste Rahnaward Zaryab a vraisemblablement échappé à une tentative d'assassinat, le 29 mars, dans le quartier de Makrooyan, à Kaboul. Un homme armé a été mis en fuite par les voisins du journaliste alors qu'il s'approchait de son domicile.
Reporters sans frontières rappelle que deux journalistes sont détenus en Afghanistan : Sayed Perwiz Kambakhsh est incarcéré à Kaboul après avoir été condamné à mort par un tribunal de Mazar-i-Charif, et Jawed Ahmad, de la chaîne Canadian Television (CTV), est détenu par l'armée américaine sur la base aérienne de Bagram, au nord de Kaboul.