Le tribunal de première instance de Rabat a condamné Ali Lmrabet à quatre ans de prison ferme pour "outrage au roi" et "atteinte à l'intégrité territoriale". Les deux hebdomadaires satiriques Demain magazine et Douman, dont Ali Lmrabet, également correspondant de Reporters sans frontières au Maroc, est le directeur, ont été interdits. L'organisation réclame la libération immédiate du journaliste.
Le 21 mai, le tribunal de première instance de Rabat a condamné pour "outrage au roi" Ali Lmrabet, directeur de publication des hebdomadaires Demain magazine et Douman, et correspondant de Reporters sans frontières au Maroc, à quatre ans de prison ferme et
20 000 dirams (environ 2 000 euros) d'amende. Les hebdomadaires Demain et Douman ont également été interdits.
Le journaliste, en grève de la faim depuis le 6 mai, a été immédiatement incarcéré.
"Nous sommes consternés et horrifiés par ce verdict. C'est ni plus ni moins un procès politique auquel nous venons d'assister", a déclaré Robert Ménard, secrétaire général de Reporters sans frontières. "La justice marocaine a démontré, une fois de plus, qu'elle ne savait pas faire preuve d'indépendance. Nous demandons la libération immédiate et inconditionnelle du journaliste."
"Pour la première fois, l'article 400 du code pénal, qui prévoit l'arrestation immédiate du prévenu, est appliqué pour un délit de presse. Ali Lmrabet serait-il un dangereux criminel pour qu'on l'emprisonne sur-le-champ ?", a poursuivi Robert Ménard. "Par ailleurs, condamner Ali Lmrabet à quatre ans de prison ferme constitue une menace claire pour le reste de la presse indépendante", a-t-il conclu.
A l'heure où le Maroc doit faire face à des événements dramatiques, Reporters sans frontières lance un appel au roi Mohammed VI pour qu'il rappelle, par des gestes forts, son attachement à une véritable liberté de la presse sans tabou ni zone interdite, une liberté aujourd'hui gravement mise en cause par ce verdict.
Rappel des faits
Le 13 mai, Ali Lmrabet comparaissait devant la justice pour "outrage à la personne du roi", "atteinte à l'intégrité territoriale" et "atteinte au régime monarchique". Les articles et les caricatures incriminés concernaient la liste civile royale votée au Parlement (document officiel du ministère des Finances distribué aux parlementaires), l'histoire de l'esclavage, un photomontage mettant en scène des personnalités politiques du royaume et les extraits d'une interview d'un républicain marocain qui se prononçait notamment pour l'autodétermination du peuple sahraoui.
Le procureur du roi avait requis contre Ali Lmrabet la peine maximale - cinq ans de prison et 100 000 dirhams (environ 10 000 euros) d'amende -, l'interdiction de ses deux publications et l'arrestation immédiate du prévenu (en application de l'article 400 du code de procédure pénal). Le journaliste avait, alors, été retenu par des policiers durant une dizaine de minutes. Ce n'est qu'à la suite des protestations de ses avocats que cette dernière mesure a été levée. Le jugement avait été mis en délibéré au 21 mai.
Début mai, le directeur de Ecoprint avait informé Ali Lmrabet qu'il n'imprimerait plus ses deux publications en raison des pressions qu'il subissait. Il avait ensuite déclaré qu'il était en désaccord avec la ligne éditoriale de Demain et Doumane.
Le 6 mai, Ali Lmrabet a entamé une grève de la faim pour, "faire valoir (ses) droits", "faire cesser les intimidations répétées contre (son) imprimeur et d'autres disposés à imprimer (ses) journaux", et demander le respect de sa liberté de circulation. Le 17 avril, alors que le journaliste s'apprêtait à prendre un vol pour Paris à l'aéroport de Rabat, deux agents de la Direction de la surveillance du territoire (DST) l'avaient interdit de sortie du territoire "sur instruction de la DST". Les autorités marocaines étaient revenues sur cette décision la semaine suivante.