En dix jours, deux journalistes ont été violemment agressés, six journalistes menacés de mort et des kiosques à journaux vandalisés. Plus de 80 journalistes ont été attaqués par des partisans du Premier ministre, Khaleda Zia, depuis octobre 2001.
Dans une lettre adressée au Premier ministre, Begum Khaleda Zia, Reporters sans frontières (RSF) et le Centre du Bangladesh pour le développement, le journalisme et la communication (BCDJC) ont de nouveau protesté contre les violences orchestrées par des militants du Bangladesh Nationalist Party (BNP) contre les médias. "La politique du gouvernement en matière de liberté de la presse se révèle totalement inefficace comme le prouve la multiplication des incidents à l'encontre des journalistes mettant directement en cause des militants du parti au pouvoir contre des journalistes", a affirmé Robert Ménard, secrétaire général de RSF. "Le gouvernement doit mettre fin à l'impunité dont jouissent les agresseurs de journalistes, y compris ceux appartenant à son camp politique", a déclaré le président du BCDJC. Les deux organisations ont demandé à Begum Khaleda Zia d'user de toute son influence pour que les violences cessent et que leurs auteurs soient jugés.
Depuis l'arrivée au pouvoir de Begum Khaleda Zia, plus de quatre-vingts journalistes et photographes ont été agressés ou menacés de mort par des militants de la nouvelle majorité composée essentiellement du BNP et du Jamaat-e-Islami (parti fondamentaliste). Entre le 20 avril et le 2 mai, en l'espace de dix jours, deux journalistes ont été violemment agressés, six journalistes menacés de mort et plusieurs kiosques à journaux vandalisés.
Selon des informations recueillies par RSF et le BCDJC, le Club de la presse de Motbaria (sud du pays) a été assailli, début mai 2002, par des membres du BNP, qui se sont enfuis à l'arrivée de la police. Une plainte pour diffamation avait été déposée par un militant du BNP à l'encontre de Salam Azadi et Mizanur Rahman Mizu, respectivement président et secrétaire général du Club de la presse. Les deux hommes sont mis en cause pour avoir distribué des photocopies d'articles parus dans les journaux de la capitale, dont le contenu diffamerait le député Dr Rustam Ali Farazi ainsi que le Premier ministre. Certains quotidiens de la capitale s'étaient fait l'écho du viol présumé d'une fillette par le frère du député. Plusieurs kiosques à journaux ont été pris d'assaut par des supporters du gouvernement, qui ont interdit aux détaillants de vendre ou de distribuer les exemplaires des quotidiens Dainik Janakantha, Dainik Ittefaq et Prothom Alo, sous peine de voir leurs domiciles incendiés. Des exemplaires de ces quotidiens ont été saisis et brûlés.
Le 2 mai, Delwar Hossain, Sheikh Ahsanul Karim, Rezaul Karim, Babul Sardar, S.M Tajjudin et Azadul, respectivement journalistes pour les quotidiens Dainik Purbanchal, Dainik Manab Zamin, Dainik Ittefaq, Dainik Janakantha, Dainik Prabartan et Dainik Runner, ont été menacés de mort par Sheikh Wahiduzzaman Dipu, secrétaire de la section locale du BNP, à Bagerhat (sud-ouest du pays). Les journalistes ont tous porté plainte. Le responsable aurait menacé les reporters de les tuer, ainsi que de plastiquer le local du quotidien Dainik Purbanchal. Quelques-uns de ses supporters se sont rendus aux domiciles des journalistes, munis d'armes à feu, et ont semé la panique parmi les familles de ces derniers.
Jahangir Alam Akash, correspondant à Rajshahi (nord-ouest du pays) pour le quotidien Dainik Sangbad, a été agressé par des activistes du BNP, le 30 avril. Le journaliste se rendait dans un village voisin afin de couvrir la visite d'une organisation de défense des droits de l'homme, venue enquêter sur la répression opérée par le BNP dans la région. Jahangir Alam Akash a été victime de jets de pierres et de briques. Blessé, il a réussi à se mettre à l'abri et à regagner la ville. La police a refusé d'enregistrer sa plainte, dans laquelle il mettait nommément en cause des activistes du parti au pouvoir. Jahangir Alam Akash avait à plusieurs reprises témoigné dans ses articles de la répression opérée par le BNP sur les minorités religieuses hindoues dans la région de Rajshahi.
Le 20 avril, Neaz Mohammad Khan Bitu, correspondant à Brahmanbaria (est du pays) pour le quotidien Dainik Dinkal, est attaqué par des membres de la Jatiyatabadi Chattra Dal (JCD), branche étudiante du BNP. Le quotidien avait publié quelque temps auparavant un article qui avait irrité Haji Syed Emran Reza, secrétaire général de la section locale du BNP. Alors que le journaliste se rendait dans une école, le responsable local de la JCD l'a assailli en l'agrippant par le col de sa veste. Neaz Mohammad Bitu s'est alors rendu au poste de police afin d'y porter plainte. L'officier, après avoir demandé une version écrite de la plainte, a finalement décidé de ne pas l'enregistrer et a téléphoné à
M. Reza. Le soir même, des individus armés, envoyés par ce dernier, ont fait irruption dans les locaux du quotidien Dainik Projabandhu et ont traîné le journaliste à l'extérieur. Il a été battu à coups de poing et de pied, et blessé au couteau. Le journaliste, grièvement blessé et laissé pour mort devant les locaux du quotidien, a été hospitalisé. Les jours suivants, la police a arrêté plusieurs suspects, mais le secrétaire général de la section locale du BNP n'a pas été inquiété.
Reporters sans frontières devrait prochainement rendre public le rapport de sa mission d'enquête au Bangladesh, menée du 3 au 10 mars 2002.